Libye : Halte au massacre des civils
Par Jawad Kerdoudi
Président de l’IMRI
Institut Marocaine des Relations Internationales
Après les révolutions de la Tunisie et de l’Egypte, ce fût le tour de la Libye il y a une vingtaine de jours. Contrairement à Benali et Moubarak qui ont quitté le pays pour ne pas entraîner un bain de sang, Kadhafi s’accroche au pouvoir et impose à son peuple une guerre civile meurtrière. C’est ainsi qu’à l’Est et à l’Ouest de Tripoli, des combats intensifs ont lieu entre les révolutionnaires et l’armée régulière libyenne, soutenue par les milices du régime et les mercenaires venus de tous bords. D’après les témoignages des journalistes sur place, l’armée n’hésite pas à tirer sur les civils en utilisant des chars, des mitrailleuses et des grenades. Des centaines de morts sont dénombrés chaque jour, et 200.000 réfugiés ont déjà traversé les frontières tunisienne et égyptienne.
Dans une interview donnée au Journal du Dimanche du 6 Mars 2011, Kadhafi prétend combattre le terrorisme d’Al Qaida, mener le combat contre l’extrémisme musulman, et s’étonne qu’on ne vienne pas l’aider. Il affirme qu’il n’a jamais tiré sur son peuple, et menace l’Europe d’une immigration massive à partir de la Libye. Il demande enfin l’organisation d’une commission d’enquête menée par la France.
On ne peut que se révolter contre cette outrecuidance du responsable libyen, alors que tout montre que son peuple se révolte contre lui et contre ses quarante deux années de dictature. Le peuple libyen veut un changement radical et aspire à un régime démocratique. Quant à ne pas tirer sur son peuple, c’est son propre fils Khamis qui a lancé un assaut contre Missata, ville tenue par les révolutionnaires à 200 km à l’Est de Tripoli. Pour ce qui est de la menace d’une immigration massive vers l’Europe à partir de la Libye, c’est un argument abject qui s’appuie sur la misère humaine, et crée des peurs injustifiées, et qu’il ne faut en aucun cas prendre en considération.
Entre temps, le Conseil de Sécurité de l’ONU dans sa résolution du 26 Février 2011, a condamné la violence et l’usage de la force contre les civils, décidé un embargo sur les armes à destination de la Libye, prononcé des interdictions de voyage et le gel des avoirs des dirigeants libyens, et saisi la Cour pénale internationale pour traduire Kadhafi en jugement. La France de son côté, vient de reconnaître le Conseil national libyen, et apporte son soutien aux principes qui l’animent et aux objectifs qu’il s’assigne. Elle condamne d’autre part l’usage inacceptable de la force contre les civils et rend hommage au courage des populations soumises à la violence.
Certes, ces positions de l’ONU et de la France sont positives mais insuffisantes. Ce n’est pas en leur interdisant de voyager et en gelant leurs avoirs, que les dirigeants libyens vont changer de comportement. Il faut absolument sauver le peuple libyen du massacre par ses propres dirigeants. Une première mesure à prendre d’urgence est l’institution d’une zone d’exclusion aérienne, pour que les avions militaires libyens ne bombardent plus les civils. Si ces mesures ne sont pas efficaces, il faut mettre sur pied une force d’intervention de l’ONU pour arrêter la guerre civile. De toutes façons, il n’y a pas d’autre solution que la chute de Kadhafi, car on ne peut pas imaginer qu’il puisse à nouveau diriger la Libye après ce qu’il a fait. La réussite de la révolution libyenne est aussi un signal fort pour tous les peuples du monde qui souhaitent s’émanciper et abattre les dictatures.
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