Interview au Journal « L’Opinion »
Par Jawad KERDOUDI Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)
1) Quelle est votre lecture de la décision prise par le parlement marocain de « revoir » ses relations avec l’Union européenne ?
Le Parlement marocain ne pouvait rester silencieux après la résolution du Parlement européen du 19 Janvier 2023. En effet, cette résolution incite les autorités marocaines à respecter la liberté d’expression et la liberté des médias. Elle demande d’accorder aux journalistes emprisonnés un procès équitable, ainsi que leur remise en liberté provisoire. C’est une grave ingérence dans les affaires internes de notre pays, et une mise en cause de la justice marocaine qui est indépendante selon la Constitution marocaine de 2011. Cette résolution risque de ternir l’image de notre pays qui a procédé à de grandes réformes durant ces vingt dernières années.
2) Comment ce genre de sessions peuvent-ils servir de mécanisme législatif ?
Pour le moment, il n’y a pas de suite législative de la session qu’a tenue le Parlement marocain le 23 Janvier 2023. Il a décidé de reconsidérer ses relations avec le Parlement européen en les soumettant à une réévaluation globale. Il a dénoncé la campagne tendancieuse qui cible le Royaume, et considéré que la résolution du Parlement européen du 19 Janvier 2023 porte atteinte au capital confiance entre les deux institutions législatives. Le Parlement marocain reproche aux eurodéputés d’avoir dépassé d’une façon inadmissible leurs prérogatives, en s’ingérant dans les affaires internes du Royaume, et en mettant en cause l’indépendance de la justice marocaine. Il rappelle l’attachement du Maroc aux droits de l’homme. Il affirme que les condamnations qui ont visé certains journalistes marocains l’ont été pour des faits n’ayant aucun lien avec leur activité journalistique.
3) Quelles sont les retombées juridiques et législatives de la session conjointe tenue hier ?
La session du Parlement marocain du 23 Janvier 2023 est une mise en garde au Parlement européen relative à sa résolution du 19 Janvier 2023. Elle annonce une réévaluation globale des relations entre les deux institutions législatives, sans préciser pour le moment de décisions concrètes.
4) Quels sont les effets engendrés par une décision pareille ?
Le Parlement marocain a voulu montré son mécontentement quant à la résolution du Parlement européen du 19 Janvier 2023. Il regrette que la question des journalistes emprisonnés et de la liberté d’expression n’ont pas été discutées au préalable au sein de la Commission parlementaire mixte Maroc/Union européenne.
5) Quelles sont, selon vous, les perspectives de relations de bilatéralisme avec l’Union européenne ?
Il ne faut pas surestimer la résolution du Parlement européen du 19 Janvier 2023 sur les relations bilatérales du Maroc avec l’Union européenne. Le Parlement européen est un organe législatif dont les résolutions ne sont pas contraignantes. Les relations du Maroc sont bonnes avec la Commission européenne qui est l’organe exécutif de l’Union européenne. A preuve la visite récente au Maroc de Josep Borrel Chef de la diplomatie européenne qui a fait mention du « Partenariat bilatéral d’exception » entre le Maroc et l’Union européenne.
6) Qu’en est-il des accords scellés par le Maroc avec les pays membres de l’Union européenne après cette décision hostile ?
Les accords scellés entre le Maroc avec les pays membres de l’Union européenne ne subiront aucune modification. Ce sont des accords d’Etat à Etat qui n’ont rien à voir avec l’Accord d’Association avec l’Union européenne. C’est ainsi que le 1er Février 2023, la Commission mixte entre le Maroc et l’Espagne va se réunir au Maroc pour la promotion des relations entre les deux pays.
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