36ème Sommet de l’Union africaine
Quels enjeux ?
Par Jawad KERDOUDI Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)
Le Sommet des Chefs d’Etat africains a commencé ses travaux le Samedi 18 Février 2023 à Addis-Abeba. Ont participé à l’ouverture 35 Présidents et 4 Premiers ministres, dont Mr Aziz Akhannouch Chef du gouvernement. Trois thèmes principaux figurent dans l’ordre du jour de ce Sommet : la paix et la sécurité en Afrique, l’accélération de la ZLECAF (Zone de libre-échange continentale africaine), et la prise en fonctions du nouveau président de l’Union africaine. A noter un incident à l’ouverture de ce Sommet, à savoir l’expulsion de la délégation israélienne conduite par Sharon Bar-li directrice adjointe au ministère israélien des Affaires étrangères pour l’Afrique. Cette décision a été prise sous la pression de l’Algérie et de l’Afrique du Sud. Israël avait reçu le statut d’Observateur en 2021 par le président de la Commission africaine Moussa Faki. Mais cette décision avait provoqué des débats houleux lors du Sommet de 2022, et une commission a été mise sur pied pour se pencher sur cette question.
Mr Antonio Guterres Secrétaire général de l’ONU présent au Sommet a déclaré « L’Afrique a besoin d’actions pour la paix ». C’est vrai que le continent connait de multiples conflits. On peut citer la zone frontalière entre la République démocratique du Congo et le Rwanda, le conflit entre l’Ethiopie et la région du Tigré, les coups d’Etat militaires au Mali, Burkina Faso, et Guinée. Pour le premier conflit RDC-Rwanda, la communauté de l’Afrique de l’Est a appelé à un retrait de tous les groupes armés d’ici au 30 Mars 2023. A propos de l’Ethiopie, un accord de paix a été signé sous l’égide de l’Union africaine avec les rebelles du Tigré qui a permis de faire taire les armes. Pour les coups d’Etat militaires Mali-Burkina Faso et Guinée, ces Etats suspendus ont envoyé des représentants au 36ème Sommet de l’Union africaine pour demander la levée de la suspension. Mr Moussa Faki a déclaré que leur cas sera étudié par le Conseil «Paix et sécurité ».
La ZLECAF est une zone de libre-échange continentale africaine qui doit réunir 1,3 milliard de personnes et devenir plus grand marché mondial en terme de population. Les deux objectifs principaux de cette zone, dont le PIB combiné est de 3.400 milliards de dollars, sont de favoriser le commerce inter-africain qui n’est actuellement que de 15%, et d’attirer les investissements directs étrangers. Initiée en 2012, cette zone de libre- échange est entrée en vigueur le 1er Janvier 2021. Selon la Banque mondiale d’ici 2035, l’accord permettrait de créer 18 millions d’emplois supplémentaires et contribuer à sortir 50 millions de personnes de l’extrême pauvreté. Le principal obstacle à la mise en œuvre de la ZLECAF est le protocole de libre circulation des personnes et des biens. Certains pays africains craignent que l’ouverture des frontières n’entraine un afflux de personnes qu’ils ne peuvent pas contrôler. Les pays les moins développés de l’Afrique craignent également que la réduction des droits de douane se traduit par une concurrence insupportable à leur tissu productif, et une baisse des recettes de l’Etat. Trois autres obstacles limitent le développement de la ZLECAF, la lourdeur des démarches administratives, le système défaillant de paiement et de règlement bancaire, et la logistique.
Par ailleurs, Azali Assoumani président des Comores a pris la présidence tournante de l’Union africaine à la suite de Macky Sall, le Chef d’Etat sénégalais. Les Comores sont un petit archipel de l’Océan indien d’environ 1 million d’habitants. Le nouveau président de l’Union africaine s’est félicité que « L’Union africaine est une organisation où tous les pays membres ont les mêmes droits ». A noter qu’Azali Assoumani a été formé à l’Académie Royale militaire de Meknès (1978-1981), et que l’actuel ministre des affaires étrangères des Comores joue un rôle essentiel dans la déclaration de Tanger pour l’expulsion de la « Rasd » de l’Union africaine.
En conclusion, on ne peut que réitérer la nécessité de la paix et la sécurité pour le développement de l’Afrique. L’Union africaine doit rester intransigeante en ce qui concerne les coups d’Etat anticonstitutionnels. Le rôle du Conseil de paix et sécurité doit être renforcé pour tenter d’anticiper les conflits avant le fait accompli. L’une des causes des coups d’Etat militaires est la faiblesse des pouvoirs civils à éradiquer le terrorisme. D’où la nécessité de prioriser la lutte contre le terrorisme jihadiste qui sévit dans toute la région du Sahel. Pour accélérer la ZLECAF, il y a lieu de simplifier entre pays africains les procédures administratives du commerce extérieur, et renforcer les systèmes de paiement et de logistique. Pour ce qui est de la baisse des droits de douane, il faut accepter temporairement des listes négatives pour s’acheminer progressivement vers le libre-échange. Enfin, il faut souhaiter un bon succès au nouveau président de l’Union africaine car la situation mondiale est troublée par la guerre en Ukraine, suite à la pandémie du Covid-19.
CHRONIQUES HEBDOMADAIRES DE l'IMRI