RĂ©union du G20 en Inde
Impasse sur la guerre d’Ukraine
Par Jawad KERDOUDI Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)
Rappelons que le G20 a été créé en 1999 pour favoriser la concertation internationale et le dialogue entre les membres. Le G20 est composé de 19 pays développés et l’Union européenne. Les critères retenus pour être membres du G20 sont le PIB national, et au moins un Représentant par continent. C’est ainsi que l’Afrique est représentée par l’Afrique du Sud, et le monde arabe est représenté par l’Arabie Saoudite. Le G20 peut inviter des pays non membres. Le G20 représente 80% du produit mondial, 75% du commerce mondial, et 66% de la population mondiale. Trois formats sont utilisés pour les réunions annuelles : Le Sommet qui regroupe les Chefs d’Etat et de Gouvernement, le G20 finances, et le G20 des ministres des affaires étrangères. La présidence du G20 est tournante, et c’est l’Inde qui préside le G20 pendant cette année 2023.
Le G20 des ministres des affaires étrangères s’est déroulé à New Delhi les 1er et 2 Mars 2023. Dans une déclaration préliminaire, le Premier ministre indien Narendra Modi a déclaré que les institutions internationales ont échoué à relever de façon collective les défis du monde actuel qui sont nombreux. On peut citer la pandémie du Covid-19, la guerre en Ukraine, le changement climatique, la crise financière, le terrorisme et l’immigration illégale. L’Inde souhaitait consacrer la réunion du G20 à la réduction de la pauvreté dans le monde et la lutte contre le réchauffement climatique. Malheureusement, le sujet de la guerre d’Ukraine s’est imposé lors de cette réunion.
La ministre française des affaires étrangères Catherine Colonna a qualifié le conflit en Ukraine de « sale guerre en violation des lois de la guerre et de la simple humanité ». Elle a lancé un appel pour un sens de responsabilités communes pour éviter la fragmentation et l’opposition systémique. De son côté Josep Borell Chef de la diplomatie de l’Union européenne, a incité l’Inde à faire comprendre à la Russie que la guerre d’Ukraine doit prendre fin. Quant à Sergueï Lavrov, ministre russe des affaires étrangères il s’en est pris violement à l’Occident. Il a déclaré que " la politique destructive des Etats-Unis et de leurs alliés a déjà précipité le monde au bord de la catastrophe, provoqué un recul du développement socio-économique, et aggravé la situation des pays les plus pauvres ". Il a même ajouté que "cette guerre que nous tentons d’arrêter a été lancé contre nous en utilisant des Ukrainiens ", provoquant l’hilarité dans les rangs du G20.
Alors qu’aucune rencontre n’était prévue entre Lavrov et le Secrétaire d’Etat américain Antony Blinken, ce dernier dans une tête à tête de quelques minutes avec Lavrov, a demandé à son interlocuteur de mettre " fin à cette guerre d’agression en Ukraine ". Le diplomate américain a également demandé à Sergueï Lavrov de reconsidérer la sortie récente de Moscou du traité « New Start » sur le désarmement nucléaire. Il a mis en garde la Chine contre la fourniture de matériel militaire à la Russie sous peine de sanctions économiques. A noter que la Chine a adopté une position ambigüe sur la guerre d’Ukraine, comme l’atteste son abstention dans la résolution de l’Assemblée générale de l’ONU en date du 23 Février 2023 exigeant le retrait russe d’Ukraine.
L’Inde est à la fois un allié historique de la Russie et le partenaire de l’Occident face à l’influence grandissante de la Chine dans la zone Indo-Pacifique. L’Inde n’a pas condamné l’invasion de l’Ukraine par la Russie, et n’a pas appliqué les sanctions occidentales en important du gaz russe. Elle a insisté sur le coût que ce conflit pèse sur les pays les plus pauvres. En effet, la guerre d’Ukraine a fait exploser les prix énergétiques et alimentaires, et plongé un grand nombre de pays en développement dans un désastre financier, comme par exemple le Sri Lanka et le Pakistan. Malgré tous ses efforts d’intermédiation entre l’Occident et la Russie, l’Inde n’a pas réussi à faire adopter un communiqué final du fait du rejet par la Russie et la Chine de deux paragraphes exigeant le « retrait complet et inconditionnel de la Russie du territoire de l’Ukraine ».
En conclusion, la réunion des ministres des affaires étrangères du G20 en Inde s’est traduite par un échec alors que la guerre continue à faire rage dans l’Est de l’Ukraine, notamment dans la ville de Bakhmout devenue l’épicentre d’une guerre totale. Il faut s’attendre malheureusement à une guerre de longue durée du fait des positions diamétralement opposées de la Russie et de l’Ukraine. Le point d’achoppement est celui des territoires de la Crimée et du Donbass. L’Ukraine veut les récupérer en arguant que ces régions font juridiquement partie de son territoire. La Russie de son côté, ne veut pas se dessaisir de la Crimée annexée en 2014, et des quatre régions du Donbass (Zaporijia, Kherson, Lougansk et Donetsk) annexées en Septembre 2022. Les deux protagonistes Poutine et Zelenski ne peuvent pas faire de concessions sans perdre la face vis-à -vis de leur population. Aussi est-il très difficile de prévoir l’issue de cette guerre. La leçon à tirer est la nécessité de réformer les institutions internationales, notamment l’ONU qui a été incapable de désamorcer cette guerre d’Ukraine. Il y a lieu de modifier la composition du Conseil de sécurité et de lui donner des moyens accrus pour le maintien de la paix qui est son principal objectif. L’autre recommandation est la nécessité pour les pays développés d’aider financièrement les pays émergents à sortir de la crise alimentaire et énergétique, car ils n’ont aucune responsabilité dans le déclenchement et le déroulement de la guerre en Ukraine.
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