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30ème Anniversaire de la Révolution iranienne

Un bilan mitigé et des perspectives inquiétantes

Par Jawad Kerdoudi

Président de l’IMRI

(Les opinions exprimées dans cette chronique sont à titre personnel)

Le 1er Février 2009, l’Iran a fêté le trentième anniversaire du retour d’exil de l’Ayatollah Khomeiny et de l’instauration de la République islamique d’Iran. On peut à cette occasion tenter de faire un bilan de cette révolution et tracer quelques perspectives d’avenir.

L’histoire récente de l’Iran est liée à la dynastie des Pahlavi et à la révolution de Khomeiny. Ayant accédé au pouvoir en 1941 avec l’appui des britanniques, Mohamed Reza Pahlavi, le nouveau Shah, a mené tout au long de son règne une politique pro-occidentale basée sur l’alliance avec les Etats-Unis et le Royaume Uni. C’est grâce à l’appui de ces grandes puissances, qu’il résista en 1953 à la tentative de renversement de son régime par le premier Ministre Mohamed Mossadeq. En 1955 l’Iran adhéra au Pacte de Bagdad, et s’aligna complètement sur les Etats-Unis pendant la guerre froide. Sur le plan intérieur, la Shah mit en place un régime autocratique et dictatorial. Il tenta en 1963 de lancer la « Révolution blanche » qui avait pour objet la modernisation du pays, l’émancipation de la femme, et la réforme agraire. Cette tentative entraina une forte opposition du Clergé iranien, des propriétaires terriens et de la majorité de la population iranienne, qui n’était pas prête à accueillir ces réformes structurelles. Le Shah déplaisait également par son côté mégalomane, et le peu de cas qu’il faisait de la religion musulmane. C’est ainsi qu’en 1971, il organisa une grandiose célébration du 2.500ème anniversaire de l’Empire perse, qui lui valut l’opposition grandissante outre les religieux, des communistes, des nationalistes, et des démocrates libéraux.



Malgré les exactions de la Savak (Police politique), de grandes manifestations et des grèves eurent lieu en 1978, téléguidées par Khomeiny qui était alors en exil à Neauphle-le-Château en France. Khomeiny né en 1902 à Khomein, a fait des études en théologie dans la ville sainte de Qom. En 1943, il publia « Secrets dévoilés » où il préconisait déjà que le Clergé iranien devait jouer un rôle moral dans la direction des affaires publiques. Après la Révolution blanche de 1963, il accentua son opposition au régime du Shah, et fût contraint à l’exil à partir de 1965 d’abord en Turquie, puis en Irak et en France. C’est en exil qu’il mit au point sa thèse d’un gouvernement par le Clergé, et en 1969 il développa le concept de « velayat e-fakih » à savoir la tutelle du gouvernement par les juriste-théologiens. Après le départ du Shah d’Iran le 16 Janvier 1979, Khomeiny retourna triomphalement à Téhéran le 1er Février 1979 et instaura la République islamique d’Iran.



Quel bilan peut-on faire après trente ans de la Révolution iranienne ?



Sur le plan politique, la Révolution a débarrassé l’Iran d’un dictateur mégalomane et autoritaire. Mais le pouvoir fût confisqué par les religieux, à la tête desquels le « Guide suprême », qui est à la fois une figure paternelle, et un sage utilisant la justice et la raison. Le Guide suprême n’appartient à aucun parti, et se place au-dessus des partis. Elu par l’Assemblée des Experts, il détient la réalité du pouvoir. Cette fonction fût exercée par Khomeiny de 1979 jusqu’à sa mort en 1989, et est exercée actuellement depuis vingt ans par Ali Khamenei. Certes, la Constitution iranienne prévoit l’élection au suffrage universel des députés du Majliss (Parlement iranien), mais les candidatures sont filtrées par le Conseil des Gardiens de la Révolution, soit selon un spécialiste de l’Iran « un système qui ne laisse concourir que ceux qui ne le menacent pas ». Certes, la Constitution permet également l’élection du Président de l’Iran au suffrage universel. Mais le Président élu ne dispose pas suffisamment de pouvoirs pour faire aboutir des réformes. Preuve en est l’incapacité des Présidents réformateurs Khatami et Rafsandjani de libéraliser le régime. C’est ainsi que les libertés publiques ont connu une régression notable depuis l’accès au pouvoir d’Ahmadinejad. La presse et internet sont très surveillés, ce qui fait dire à l’Ayatollah Montazeri, pourtant un religieux « l’Imam (Khomeiny) avait promis la liberté, or il n’y en a aucune ». Le moins que l’on puisse dire est que le régime actuel de l’Iran n’est pas démocratique.



Sur le plan international, la République islamique d’Iran a basé sa politique sur deux principes fondamentaux. La volonté d’être une puissance régionale, et cela a été confirmé officiellement par Mohsen Rezaï, secrétaire général du Conseil de discernement « Nous sommes la première puissance régionale, comparée à l’Arabie Saoudite, au Pakistan, à la Turquie et aux sionistes ». C’est dans ce sens que l’Iran veut acquérir coûte que coûte l’arme nucléaire, et qu’il a lancé le 10 Février dernier le satellite Omid porté par la fusée Safir 2. Le deuxième principe est l’opposition aux Etats-Unis, à Israël et à l’Occident en général. C’est dans cette optique que l’Iran intervient dans le conflit israélo-arabe en appuyant le Hezbollah au Liban et le Hamas à Gaza. Plus grave encore, et cela fait le jeu d’Israël, Ahmedinejad menace régulièrement l’Etat d’Israël de disparition. La dernière incartade des dirigeants iraniens a été la revendication de Bahreïn en tant que province iranienne, ce qui a provoqué un tollé général des pays Arabes et de la communauté internationale.



Sur le plan économique, la situation n’est guère reluisante. Le pays souffre d’un taux d’inflation de 30% et d’un taux de chômage de 15%, qui touche surtout les jeunes diplômés. La dépendance vis-à-vis des exportations de pétrole (50% du budget de l’Etat), est cinq fois plus grande qu’il y a dix ans. La baisse actuelle du prix au pétrole aura des conséquences graves pour l’économie iranienne, qui souffre des sanctions de l’ONU et de l’Union européenne du fait du conflit nucléaire, et du départ des investisseurs étrangers. A l’instar des régimes totalitaires (exemple de l’URSS), les ressources du pays sont concentrées sur la puissance militaire (nucléaire, fusées, satellites) au lieu de servir au développement du pays (infrastructures, entreprises de production de biens et de services, recherche et développement).



Quelles perspectives d’avenir pour le République islamique d’Iran ?



Il ne faut pas s’attendre à cours ou à moyen terme à des changements profonds. Soixante dix pour cent des habitants de l’Iran n’ont pas vécu la période du Shah, et ne connaissent pas d’autre régime que celui qui existe depuis leur naissance. De plus, on assiste à une certaine dépolitisation de la population, surtout les jeunes. Aussi, l’alternative est la reconduction d’Ahmedinejad lors des prochaines élections présidentielles du 12 Juin 2009, ou l’élection d’un Président plus modéré, comme l’ancien Président réformateur Mohamed Khatami. Si Ahmedinejad est réélu, il continuera la même politique, avec peut être un léger assouplissement du fait de la « main tendue » d’Obama. L’élection de Khatami parait pour le moment peu probable, surtout du fait de la victoire de la droite et des extrémistes en Israël. Le peuple iranien reste en effet très sensible au conflit israélo-palestinien. Une autre inconnue est la future politique iranienne vis-à-vis des pays Arabes, entre l’apaisement ou la confrontation. D’autre part, le problème du nucléaire iranien n’est toujours pas résolu. Tout cela nous laisse prévoir des perspectives inquiétantes pour l’avenir de la région.

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