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Deuxième Sommet de la démocratie
Bilan et Perspectives ?

Par Jawad KERDOUDI
Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)

Après la présidence illibérale de Donald Trump, le Président Joe Biden veut redonner aux Etats-Unis le rôle « de phare de la démocratie qui guide le monde vers la liberté ». C’est ainsi qu’il a organisé un premier Sommet de la démocratie en Décembre 2021 sous forme de visioconférence. Il a octroyé à cette occasion un budget de 400 millions de dollars, qui a servi à mettre en œuvre 750 initiatives pour soutenir les médias libres, lutter contre la corruption, et développer les outils technologiques en faveur du combat pour la démocratie.

La mise en œuvre du système démocratique étant un processus de longue haleine, le Président Biden a de nouveau organisé un deuxième Sommet de la démocratie également sous forme de visioconférence les 29 et 30 Mars 2023. Il a invité pour cela les dirigeants de 120 pays ainsi que les représentants de la société civile et des entreprises technologiques. Il a associé pour l’organisation de cet événement quatre pays représentant chacun un continent : Costa Rica pour l’Amérique, Zambie pour l’Afrique, Corée du Sud pour l’Asie, Pays-Bas pour l’Europe. Il a également invité cinq pays africains : Tanzanie, Côte d’Ivoire, Gambie, Mauritanie et Mozambique. Par contre il n’a pas invité l’Arabie saoudite, l’Egypte, la Turquie, la Hongrie, Singapour et Bangladesh. On ne sait pas sur quels critères l’Administration américaine a invité ou non les participants à ce Sommet.
Dans son exposé introductif le Président Biden s’est voulu optimiste en déclarant « Un vent favorable souffle pour la démocratie dans le monde ». Cet optimisme n’a pas été partagé par le Secrétaire Général de l’ONU António Guterres qui a déclaré de son côté « Aujourd’hui nous voyons de plus en plus de despotisme et de moins en moins de démocratie ». L’Association Freedom House a indiqué un recul de la démocratie dans le monde. A titre d’exemple l’Afrique a connu d’Août 2020 à Janvier 2022 quatre coups d’Etat : Mali, Tchad, Guinée, et Burkina Faso. Le Président Sud-coréen a renchéri en disant que « la démocratie est attaquée de toutes parts et qu’il faut la relancer ».
En effet, on peut citer plusieurs pays où la démocratie a reculé. En premier lieu la Russie, qui a enfreint le droit international en envahissant le 24 Février 2022 l’Ukraine, et qui a muselé la presse et emprisonné les opposants. L’Armée russe a en outre commis des crimes de guerre, en s’attaquant à la population civile et en ne respectant pas les droits des prisonniers. Un autre exemple est celui du président chinois Xi Jinping, qui a été réélu le 10 Mars 2023 pour un troisième mandat inédit de cinq ans, à l’unanimité du Parlement (2952 votes pour, zéro contre, zéro abstention). Le régime chinois a d’autre part placé depuis 2014 les Ouïghours de religion musulmane dans des camps d’internement. La démocratie vacille dans d’autres pays : en Israël où le Premier ministre Benyamin Netanyahou tente de réformer la justice en renforçant le pouvoir législatif au détriment de la Cour suprême. Le Premier ministre indien Narendra Modi mène un politique ultra-nationaliste en discriminant la minorité musulmane, et en démettant de son mandat de député le Chef de file de l’opposition Rahul Gandhi après sa condamnation pour diffamation. Enfin la Hongrie et le Pologne ont transformé le régime politique de leur pays en démocraties illibérales qui remettent en cause l’Etat de droit.
Une Déclaration du Sommet pour la démocratie a été signée par 70 pays et restera ouverte à la signature d’autres pays. Les pays signataires se sont engagés à protéger les droits humains, la liberté des médias et l’état de droit, en veillant à la responsabilisation des auteurs de violation des droits humains. Ils s’engagent également à soutenir les personnes, y compris en Ukraine, qui défendent la liberté et rejettent l’agression, et de combattre toutes les fromes de discrimination et d’exclusion notamment en renforçant les droits des femmes. Les signataires s’engagent également à prévenir et combattre la corruption, et à promouvoir une technologie au service de la démocratie et non de son affaiblissement. La Déclaration incite les signataires à se défendre contre les menaces transnationales, y compris l’influence malveillante étrangère et la manipulation des informations par des acteurs étrangers. Enfin, les signataires s’engagent à favoriser des élections libres et équitables, et à relever les défis mondiaux, notamment le développement durable, le changement climatique, la santé mondiale et la sécurité alimentaire.
En conclusion, l’initiative du Président Biden de lancer les Sommets de la démocratie est louable. Surtout qu’il hérite d’une image dégradée des Etats-Unis du fait des ex-Présidents républicains. C’est le cas du Président Bush qui a lancé en 2003 une guerre illégitime et illégale contre l’Irak. C’est aussi le cas du Président Trump qui n’a pas reconnu sa défaite aux dernières élections présidentielles, qui a incité ses partisans à attaquer le Capitole, et qui vient d’être inculpé au pénal par un grand jury d’un tribunal de New-York. En outre, certains observateurs reprochent au système démocratique son manque d’efficacité et sa lenteur à prendre des décisions. A titre d’exemples, on peut citer la pandémie du Covid-19 où les régimes autoritaires ont pris immédiatement des mesures draconiennes à l’instar de la Chine. C’est le cas aussi de la France, où une réforme justifiée du système de retraites a donné lieu à dix manifestations avec des violences inouïes. L’Occident s’est érigé en champion de la démocratie, mais la guerre en Ukraine a montré une certaine désaffection envers lui. En effet, plusieurs pays d’Afrique et d’Asie n’ont pas condamné la Russie lors du vote des résolutions de l’Assemblée générale de l’ONU. Mais comme l’a dit Winston Churchill « La démocratie est un mauvais système, mais elle est le moins mauvais de tous les systèmes ». Aussi, le combat pour la démocratie doit continuer par tous les moyens, surtout par l’éducation des peuples, car c’est un système qui ne peut être imposé de l’extérieur comme ça a été le cas de l’Irak, de l’Afghanistan et de la Libye. Il y a lieu aussi de réformer en profondeur l’ONU qui a été incapable de prévenir et de régler la guerre en Ukraine, et dont le Conseil de sécurité est actuellement présidé par la Russie qui n’a pas respecté la Charte de cette organisation en envahissant l’Ukraine.

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