Sommet Arabe de Djeddah
Quelle Ă©valuation ?
Par Jawad KERDOUDI Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)
La 32ème session du Conseil de la Ligue des Etats arabes s’est tenue le 19 Mai 2023 à Djeddah en Arabie saoudite. Les deux évènements phares de cette session ont été la visite surprise du Président ukrainien Vladimir Zelenski, et la présence de Bachar Al Assad suite au retour de la Syrie à la Ligue arabe. Zelenski a remercié le Prince héritier Mohammed Ben Salmane pour son invitation, et pour son soutien à l’intégrité territoriale et à la souveraineté de l’Ukraine. Il a cependant déclaré que certains pays arabes ferment les yeux sur l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
Le Sommet a abordé en premier lieu la question palestinienne en réaffirmant la centralité de cette cause pour le monde arabe. Il a condamné les violations israéliennes des biens et la répression des Palestiniens. La seule solution globale et juste est l’instauration d’un Etat palestinien indépendant et souverain, sur la base des frontières d’avant le 4 Juin 1967 et avec comme capitale Al Qods-Est. Le Sommet n’a pris aucune mesure concrète, alors que le rétablissement des relations diplomatiques d’Israël avec certains pays arabes n’a permis aucun infléchissement de la politique du gouvernement actuel israélien dans la recherche d’une solution politique de paix.
Pour ce qui est du Soudan, le Sommet a préconisé la nécessité d’une trêve entre les deux belligérants en donnant la priorité au dialogue afin d’amoindrir les souffrances du peuple soudanais. Il a souligné la nécessité de préserver les institutions nationales et d’empêcher toute ingérence extérieure dans les affaires soudanaises. On peut cependant regretter que ce conflit armé est né du différend entre deux généraux pour s’approprier le pouvoir civil, alors que leur mission première est de défendre le pays en cas d’agression extérieure.
Pour ce qui est de la Syrie, le Sommet s’est félicité du retour de la Syrie au Conseil de la Ligue arabe, exprimant l’espoir que cela contribuerait à la stabilité des pays et la préservation de son intégrité territoriale. Il s’est engagé à poursuivre ses efforts pour aider la Syrie à surmonter sa crise. Ce retour assure l’impunité du président syrien, et ne lui impose aucune condition formelle quant au retour des millions de réfugiés syriens, à la démocratisation de son régime, et au départ des troupes étrangères sur son sol (Russie et Turquie).
Le Sommet a également traité de la guerre au Yémen qui oppose depuis 2014 les rebelles chiites Houthis soutenus par l’Iran, aux forces fidèles à l’ex-président Ali Abdallah Salah et au gouvernement d’Abdrabbo Mansour Hadi au pouvoir depuis 2012 suite de la révolution Yéménite. Le conflit s’est internationalisé en Mars 2015 avec l’intervention armée d’une coalition menée par l’Arabie saoudite. Le Sommet de Djeddah s’est engagé à parvenir à une solution politique globale à la crise dans ce pays.
D’autres questions ont été traitées par le Sommet de Djeddah, comme le rejet de la formation de groupes armés et de milices en dehors des institutions étatiques, la condamnation des conflits militaires internes, et la lutte contre le crime et la corruption. Afin d’assurer le développement durable, les dirigeants arabes ont recommandé l’investissement dans la technologie afin de parvenir à une renaissance industrielle et agricole. Ils ont exprimé leur engagement et leur fierté de la culture arabe fondée sur le dialogue, la tolérance, et l’ouverture, tout en respectant les autres cultures et en rejetant toute forme de domination. Ils préconisent d’enseigner la langue arabe afin de contribuer à améliorer la communication entre les pays arabes et le monde. Ils ont insisté sur la nécessité de parvenir à la sécurité alimentaire des pays du monde arabe. La plupart des pays arabes souffrant du stress hydrique, le Sommet arabe de Djeddah a recommandé la recherche scientifique dans l’industrie de dessalement de l’eau, avec le partage des normes et des connaissances dans ce secteur stratégique.
En conclusion, le Sommet de Djeddah a montré la prééminence de l’Arabie saoudite dans le monde arabe sous l’impulsion de Mohammed Ben Salmane. Disposant d’une énorme puissance financière, le Prince héritier de l’Arabie Saoudite a procédé à un changement majeur de la politique étrangère de son pays. C’est lui qui a décidé le rétablissement des relations diplomatiques avec l’Iran, et le retour de la Syrie à la Ligue arabe. Pour ménager ses relations avec les Etats-Unis et l’Europe, il a invité de son propre chef Vladimir Zelenski à participer à l’ouverture du Sommet de Djeddah, malgré les liens très étroit de l’Algérie et de la Syrie avec la Russie. Il apparait donc sous l’impulsion de l’Arabie Saoudite, que le monde arabe a choisi le non-alignement vis-à -vis des deux grands pôles mondiaux de puissance : Les Etats-Unis et l’Europe d’un côté ; la Chine, la Russie et l’Iran de l’autre.
CHRONIQUES HEBDOMADAIRES DE l'IMRI