GĂ©opolitique du tremblement de terre au Maroc
Par Jawad KERDOUDI Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)
Un terrible tremblement de terre de magnitude 6,8 à 7,2 dans l’échelle de Richter a frappé le Maroc le 8 Septembre 2023 à 23h11. L’épicentre de ce tremblement de terre a eu lieu dans la commune d’Ighil dans la province d’El Haouz à environ 70 km au Sud-ouest de Marrakech. D’une profondeur de 12 à 24 km, ce séisme est le plus important dans l’histoire du Maroc. Le bilan aussi bien humain que matériel est très lourd : environ 3.000 morts et 5.600 blessés, 2000 douars pourvus de 50.000 logements ont été totalement ou partiellement détruits. Les régions les plus touchées sont Al Haouz, Taroudant, Chichaoua Ouarzazate, ainsi qu’une partie de la médina de Marrakech. Les premiers secours ont été très difficiles, du fait du blocage des routes par de grosses pierres, tandis qu’une grande partie des logements détruits se trouvent en haute montagne.
Dès le lendemain dans l’après-midi du 9 Septembre, une réunion a eu lieu au Palais royal présidée par le Roi Mohammed VI, avec la participation des hauts responsables de gouvernement et de la sécurité civile et militaire. Ces derniers ont exposé les derniers développements concernant les préfectures et les provinces touchées par le séisme. Les instructions du Roi Mohammed VI ont porté sur le renforcement des moyens et des équipes de recherche et de secours, l’approvisionnement en eau potable des zones touchées, la distribution aux sinistrées de kits alimentaires, de tentes, de couvertures, ainsi que la reprise rapide des services publics. Il a ordonné également de mettre en place une Commission interministérielle chargée de mettre en œuvre un programme d’urgence de la réhabilitation et d’aide à la reconstruction des logements détruits. De même de créer un compte spécial auprès du Trésor et de Bank Al Maghrib pour recevoir les contributions volontaires des organismes publics et privés et des citoyens. Il a également ordonné à la Fondation Mohammed V pour la solidarité d’apporter un soutien et un accompagnement aux citoyens des zones touchées. Enfin, il a été décrété un deuil national de 3 jours, et la prière de l’absent (Salat Al Ghaib) dans toutes les mosquées du Royaume.
Le Mardi 12 Septembre, le Roi Mohammed VI s’est rendu au Centre hospitalier universitaire (CHU) de Marrakech, où il s’est enquis de l’état de santé des victimes et a procédé à un don de sang en leur faveur. A cette occasion le Roi Mohammed VI a visité le service de réanimation et celui d’hospitalisation des victimes du séisme. Cette initiative royale qui a valeur de symbole, constitue aussi un soutien moral aux blessés ainsi qu’à leurs familles. En outre, le Roi Mohammed VI a donné ses instructions aux Forces Armées Royales pour un déploiement d’urgence des moyens humains et logistiques, et l’établissement d’un hôpital médico-chirurgical de campagne.
De retour au Palais Royal de Rabat, le Souverain a présidé une nouvelle réunion le 14 Septembre consacrée à l’activation du Programme d’urgence pour le relogement des sinistrés, et la prise en charge des catégories les plus affectées par le séisme. Des mesures concrètes ont été prises lors de cette réunion portant sur un programme de relogement sur environ 50.000 logements. Il s’agit d’une aide de 30.000 dirhams aux ménages concernés par le séisme, de 140.000 dirhams pour les logements totalement détruits, et de 80.000 dirhams pour les habitations partiellement effondrées. Il a été décidé également de prendre en charge immédiatement les enfants orphelins et de leur accorder le statut de pupille de la nation. De même, il a été décidé de lancer un programme réfléchi, intégré et ambitieux, pour la reconstruction et la mise à niveau générale des régions touchées. Ce programme sera financé par l’Etat, les organismes publics et privés, les associations ainsi que l’aide étrangère.
Immédiatement après le séisme du 8 Septembre 2023, plusieurs pays étrangers ont proposé leur aide. L’Algérie s’est engagé à ouvrir son espace aérien pour faciliter l’arrivée de l’aide humanitaire au Maroc, et l’envoi de 80 secouristes spécialisés. Le Président Joe Biden s’est dit prêt à apporter son aide. Le Président Emmanuel Macron s’est dit « bouleversé » et propose l’aide de la France. L’Inde, Israël, la Russie, et les Nations Unies, l’Union européenne, l’Union africaine et le Fonds monétaire international ont également proposé leur aide. Faisant valoir sa souveraineté, le Maroc n’a donné à aujourd’hui son feu vert officiel qu’a quatre pays : l’Espagne, le Royaume-Uni, Qatar et les Emirats Arabes Unis. Cependant à titre privé, plusieurs ONG étrangères sont sur le terrain pour aider. Certains experts expliquent la décision du Maroc par le souci de maitriser un éventuel afflux massif d’aide étrangère, qui pourrait par manque de coordination, rendre chaotique l’aide effective sur le terrain ainsi que la nécessité d’évaluer les besoins.
En conclusion, on doit tout d’abord présenter nos condoléances attristées à toutes les familles qui ont perdu un ou plusieurs membres dans ce tremblement de terre du 8 Septembre 2023. Le Maroc a voulu compter essentiellement sur lui-même pour gérer dans les meilleures conditions cette catastrophe. C’est ainsi que toutes les forces vives de la Nations à la fois civiles et militaires ont été mobilisées. D’ailleurs, le Maroc s’est doté suite au séisme d’Al-Hoceima en 2004, d’une « Stratégie nationale de gestion des risques des catastrophes naturelles 2020-2030 ». Un élan extraordinaire de solidarité s’est manifesté partout dans le pays. Le Fonds spécial du séisme a déjà atteint 6 milliards de dirhams au 16 Septembre 2023. Outre le soutien qu’il faut apporter immédiatement aux victimes, il y a lieu de lancer comme indiqué lors de la réunion du 14 Septembre 2023, un programme réfléchi, intégré et ambitieux pour la reconstruction et la mise à niveau générale des régions dévastées. En accord avec les populations locales, il faut regrouper les douars pour éviter un habitat trop dispersé. Pour ce gouvernement, comme pour ceux qui vont venir par la suite, il y a lieu de donner la priorité au monde rural pour l’élever au même niveau que les régions côtières développées. Enfin il serait souhaitable que l’intelligence artificielle (IA) puisse se concentrer sur les tremblements de terre pour arriver un jour à les prévoir à l’avance.
CHRONIQUES HEBDOMADAIRES DE l'IMRI