Conseil européen du 14 Décembre 2023
Séance de questions-réponses du président Poutine
Quelles perspectives pour la guerre en Ukraine ?
Par Jawad KERDOUDI Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)
Le Conseil européen s’est tenu à Bruxelles les 14 et 15 Décembre 2023. A l’ordre du jour figurait l’ouverture de négociations d’adhésion à l’Union européenne de l’Ukraine. Le premier ministre de la Hongrie Victor Orban y était opposé. Il a déclaré que l’Ukraine n’a rempli que 4 des 7 conditions fixées pour son adhésion à l’Union européenne. D’après lui, les conditions non remplies par l’Ukraine sont la lutte contre la corruption, la limitation du pouvoir des oligarques, et la protection des minorités nationales. Il a ajouté que la Hongrie ne veut pas partager la responsabilité de ce choix insensé. Il s’est également opposé à un soutien budgétaire de l’Union européenne à l’Ukraine d’un montant de 50 Milliards d’Euros dont 33 sous forme de prêts et 17 à titre de don.
Certains pays membres de l’Union européenne ont mis la pression sur Victor Orban, qui était le seul à s’opposer à l’ouverture de négociations d’adhésion avec l’Ukraine. De plus, le Conseil a débloqué 10 Milliards d’Euros en faveur de la Hongrie qui étaient gelés en raison du manquement de la Hongrie à l’Etat de droit. Finalement, Victor Orban a quitté la salle de réunion pendant le vote, ce qui a permis aux 26 Etats membres de prendre la décision d’ouverture des négociations d’adhésion avec l’Ukraine et la Moldavie. Ils ont également décidé d’aider la Géorgie à relever les défis auxquels elle est confrontée du fait de la guerre en Ukraine. Par contre, Victor Orban maintenu son véto à l’aide par l’Union européenne de 50 Milliards d’Euro en faveur de l’Ukraine.
La décision du Conseil européen d’ouvrir des négociations d’adhésion avec l’Ukraine a été saluée favorablement tant en Europe qu’aux Etats-Unis. Le président de l’Ukraine Volodymyr Zelensky a qualifié la décision de « Victoire pour l’Ukraine et pour toute l’Europe ». Le président du Conseil européen Charles Michel a considéré la décision comme « Un signal clair d’espoir pour les citoyens de l’Ukraine et de la Moldavie, et pour le continent européen ». Le Chef de la diplomatie européenne Josep Borrel a estimé que « La continuité et la hausse de l’aide à l’Ukraine est une question existentielle pour l’Union européenne ». De son côté Ursula Von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, a considéré que « La décision était stratégique, et c’est un jour qui restera gravé dans l’histoire de l’Union européenne ». La présidente du Parlement européen Roberta Metsola a déclaré « C’est un moment de fierté pour l’Europe, pour l’Ukraine et la Moldavie, et pour tous ceux qui se battent pour nos valeurs ».
Le même jour le 14 Décembre 2023 à Moscou, le président Poutine participait à la séance traditionnelle des questions et réponses. Cette séance annuelle permet à tous les citoyens russes de poser des questions au président Poutine dans tous les domaines. Concernant les réponses à « l’Opération spéciale en Ukraine », Poutine a déclaré que la Russie va de l’avant, et qu’elle a confiance en la victoire ». Il a ajouté que l’année 2024 sera plus en faveur de la Russie que l’année 2022. Il s’est félicité que les militaires russes grignotent du terrain depuis plusieurs semaines. Il a rappelé les objectifs fixés pour l’Ukraine : chasser le pouvoir actuel nazi, détruire la capacité militaire de l’Ukraine, et exiger pour elle un statut de neutralité. Il a menacé que ces objectifs seront négociés ou obtenus par la force. Il a précisé que 617.000 soldats russes se trouvent actuellement en Ukraine, et que la Russie occupe 17 à 18% du territoire ukrainien. Il s’est réjoui que les sanctions occidentales contre la Russie n’ont pas eu d’effet notable, et qu’elles ont contribué à consolider l’économie et la société russe. C’est ainsi qu’il a prévu une croissance de +3,5% pour l’économie russe en 2023. Il a d’autre part indiqué que l’industrie russe a été réorientée vers la production d’armements et de minutions.
En conclusion la décision de l’Union européenne d’ouvrir les négociations d’adhésion avec l’Ukraine réconforte considérablement le président Zelenski et le peuple ukrainien. En effet, la contre-offensive ukrainienne contre l’armée russe n’a pas réussi, et l’armée ukrainienne n’est pas suffisamment pourvue en armements et munitions. De plus, l’aide financière américaine de 60 Milliards de dollars est bloquée par le Congrès. Les réponses du président Poutine à la séance du 14 Décembre 2023 ont montré que la position russe sur les objectifs de la guerre en Ukraine n’a pas changée. Aussi faut-il s’attendre à une guerre de longue durée en Ukraine, avec la crainte de la réduction ou même l’annulation de l’aide des Etats-Unis à l’Ukraine si Donald Trump est élu à la présidence américaine en Novembre 2024. Ces nouveaux développements risquent de détériorer davantage les relations entre l’Occident et la Russie, du fait que la Moldavie et la Géorgie étaient des anciennes ex-républiques soviétiques, et que le président Poutine a toujours dénoncé la volonté de l’OTAN d’encercler la Russie.
La réunion du Conseil européen du 14 Décembre 2023 a montré, du fait de la règle de l’unanimité, qu’un seul pays membre peut bloquer des décisions importantes de l’Union. Qu’en serait-il lorsque l’Union aura intégré parmi ses membres l’Ukraine, la Moldavie et la Géorgie, constituant une union de 30 membres ? Enfin, l’Ukraine a besoin d’aide financière urgente pour acheter les armes qui lui manquent et rémunérer son administration. Charles Michel a annoncé une nouvelle réunion du Conseil européen en Janvier 2024 et va tenter de débloquer les 50 Milliards d’Euros à l’Ukraine, en accordant 21 Milliards d’Euros à la Hongrie pour compléter le montant qui a été gelé en raison de son manquement à l’Etat de droit. Le chantage de Victor Orban vis-à -vis de l’Union européenne est dangereux, et risque de constituer un précédent pour les futures décisions du Conseil européen.
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