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La nouvelle politique Atlantiste du Maroc
Quelles perspectives ?

Par Jawad KERDOUDI
Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)

Le Maroc a la chance d’avoir deux façades maritimes : la Méditerranée au Nord et l’Océan atlantique à l’Ouest. Depuis l’avènement du Roi Mohammed VI, de grands projets ont été lancés dans le Nord du Maroc. Le projet phare est le port de Tanger-Med qui est entré en activité en 2016, et qui se place actuellement comme leader sur le bassin Méditerranéen et l’Afrique. Un deuxième port a été lancé en 2016 Nador West Med qui va entrer en activité courant 2024, et qui sera spécialisé dans le charbon et le pétrole en plus des containers. La zone Nord a profité également de la rénovation de la ville de Tanger, et des stations balnéaires avec de belles plages de sable fin.
Dans son discours de la Marche verte du 6 Novembre 2023, le Roi Mohammed VI a lancé une nouvelle orientation de développement sur l’océan Atlantique. En effet, la récupération du Sahara a affiné la vocation atlantique du Maroc. Au delà du développement de ces provinces, le Roi a tracé un cadre institutionnel regroupant 23 Etats africains ayant pour façade l’Atlantique, et qui représentent 45% de la population totale et 55% du PIB africain. L’objet est de transformer cette façade atlantique en une communion humaine, avec une intégration économique et un rayonnement continental et international.

Deux grands projets concrets ont été cités par le Roi : le gazoduc Maroc-Nigeria, et l’accès des pays du Sahel à l’océan Atlantique. Le projet de gazoduc Maroc-Nigeria a fait l’objet en Juin 2023 de quatre protocoles d’accord pour assurer l’avancement et l’orientation stratégique de ce chantier, dont la réalisation est estimée à 25 milliards de dollars. En plus du Maroc et du Nigeria, ce gazoduc va traverser onze pays africains leurs offrant une nouvelle source d’énergie pour produire notamment de l’électricité, et un revenu portant sur le droit de passage. Il est prévu que des exportations de gaz sur l’Europe à partir de ce gazoduc.
Un gazoduc concurrent le Trans-saharien reliant le Nigeria à l’Algérie a fait l’objet d’un accord le 3 Juillet 2009 qui a été signé par le Nigeria, le Niger et l’Algérie. Ce gazoduc d’une longueur de 4128 kilomètres et d’une capacité de 30 milliards de mètre cubes, partirait de Warri au Nigeria et aboutirait à Hassi R’Mel en Algérie en passant pas le Niger. Il devrait également exporter vers l’Europe sur l’Espagne et le Portugal. Cependant ce projet se heurte à des obstacles techniques, sécuritaires et financiers. De plus, sur le plan politique le Mali a connu un deuxième coup d’Etat le 24 Mai 2021 qui a porté au pouvoir le colonel Assimi Goïta. Ce dernier a mis fin à l’Accord d’Alger de 2015 le 25 Janvier 2024, en accusant l’Algérie « d’Actes d’hostilité et d’instrumentalisation de l’accord de la part des autorités algériennes ». Le 30 septembre 2022, un coup d’Etat a eu lieu au Burkina Faso portant au pouvoir le capitaine Ibrahim Traoré. Le 26 juillet 2023 un coup d’Etat a eu lieu au Niger portant au pouvoir le colonel Abdourahmane Tchiani. Le 16 septembre 2023, les trois pays Burkina Faso, Mali et Niger ont constitué l’Alliance des Etats du Sahel (AES). Enfin le 28 janvier 2024, les trois pays de l’AES ont annoncé le retrait de la CEDEAO avec effet immédiat. Toutes ces transformations ont mis fin au projet de Gazoduc Nigeria-Algérie du fait de l’opposition du Mali et du Niger, qui a rompu ses liens avec le groupe chargé du gazoduc au Nigéria.
Le second projet concret proposé par le Roi Mohammed VI dans son discours du 6 Novembre 2023 a consisté à faciliter l’accès des pays du Sahel à l’océan Atlantique, notamment le Burkina Faso, le Mali et le Niger qui sont des pays enclavés. Pour cela, les infrastructures de logistique du Maroc seraient mises à la disposition de ces trois Etats du Sahel, ainsi qu’une aide pour mettre à niveau les infrastructures de ces trois pays. Les infrastructures offertes par le Maroc sont notamment le port de Dakhla Atlantique, un futur port commercial en eau profonde situé à 40 kilomètres au Nord de Dakhla. Annoncé par le Roi Mohammed VI en 2015, il sera achevé en 2028. Ce port comportera un bassin de commerce avec un poste pétrolier, un bassin de pêche, et un bassin de réparation navale. Ce port va conforter les échanges commerciaux africains en connectant les principaux ports atlantiques au nord de l’équateur, notamment Abidjan, Dakar, Nouakchott et Casablanca. Le Roi Mohammed VI a également souligné la nécessité pour le Maroc de se doter d’une marine marchande forte compétitive. Une première réunion des ministres des affaires étrangères du Maroc et des pays de l’AES a eu lieu le 23 Décembre 2023 à Marrakech où étaient représentés outre le Maroc, les pays du Sahel : Burkina Faso, Mali, Niger et Tchad.
La réaction de l’Algérie suite à ce projet marocain d’accès des pays du Sahel à l’océan Atlantique ne s’est pas fait attendre. C’est ainsi que les autorités algériennes ont annoncé que des travaux allaient commencer le 1er trimestre 2024 pour créer une zone franche commerciale à Tindouf, et un poste frontalier avec la Mauritanie pour promouvoir les échanges commerciaux entre l’Algérie et la Mauritanie. D’autre part, la Mauritanie n’a pas participé à la réunion des ministres des affaires étrangères du 23 Décembre 2023 à Marrakech concernant l’accès des pays du Sahel à l’océan Atlantique, qui ne peut se réaliser qu’en traversant la Mauritanie. D’ailleurs ce dernier pays qui continue à reconnaitre le Polisario, pratique une politique d’équilibre entre le Maroc et l’Algérie, dans le but d’obtenir le maximum d’avantages de l’un et de l’autre. C’est ainsi qu’une réunion a eu lieu à Rabat le 22 janvier 2024 entre les deux ministres des affaires étrangères du Maroc et de la Mauritanie, au cours de laquelle Mr Nasser Bourita a déclaré « La Mauritanie est un acteur essentiel de l’initiative Royale visant à favoriser l’accès des pays du Sahel à l’océan Atlantique ». Il a rappelé que le Maroc est le premier partenaire commercial de la Mauritanie au niveau du continent, et le premier investisseur africain en Mauritanie. Il a également mit l’accent sur les étudiants mauritaniens présents au Maroc, qui occupent la première place en termes de nombre et de bourses d’études accordées.
En conclusion, on ne peut que se réjouir de cette nouvelle politique Atlantiste du Maroc prônée par le Roi Mohammed VI. L’Afrique atlantique, comme d’ailleurs le reste de l’Afrique, est une priorité de la politique étrangère du Maroc. Au-delà de l’Afrique, l’océan Atlantique nous ouvre une fenêtre sur l’Amérique où nous avons d’excellentes relations avec les Etats-Unis, qui considèrent le Maroc comme un allié historique, et qui ont reconnu la marocanité du Sahara, et auxquels nous sommes liés par un Accord de libre-échange depuis le 1er janvier 2006. Le Maroc ne doit pas négliger également l’Amérique du Sud qui présente de nombreuses opportunités. C’est ainsi que l’OCP est le troisième fournisseur des pays d’Amérique latine en phosphates et engrais, et qu’il envisage d’ouvrir une usine au Brésil pour fabriquer des produits phosphatés.

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