Discours de l’état de l’Union de Joe Biden
« Conflit Israélo-Palestinien : la seule véritable solution est une solution à deux Etats »
Par Jawad KERDOUDI Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)
Comme il est de tradition depuis 1870, le président Biden a prononcé le discours de l’état de l’Union le Jeudi 7 Mars 2024 dans la grande salle du Sénat et en présence du Congrès américain. D’une voix forte, et sans l’aide d’un aide-mémoire, son discours d’une heure a été marqué par la pugnacité et l’endurance. On peut décomposer ce discours en trois parties : les attaques contre Donald Trump, le bilan de sa présidence et les engagements pour l’avenir, enfin la politique étrangère des Etats-Unis.
Le président Biden a commencé son discours en déclarant que la liberté et la démocratie sont attaquées tant sur le plan national qu’international. Sans jamais prononcer le nom de Donald Trump, qu’il désigne comme son prédécesseur, il l’accuse d’avoir nommé des conservateurs à la Cour suprême qui a supprimé sur le plan fédéral le droit des femmes à l’avortement le 24 Juin 2022. Il l’accuse également d’avoir mal géré la pandémie du Covid-19 qu’il a nié au début, et qui a fait de nombreuses victimes aux Etats-Unis. Il a ajouté que son prédécesseur n’a pas respecté les valeurs de l’Amérique qui sont l’honnêteté, la décence, la dignité, et l’égalité, qu’il a remplacées par le ressentiment, la vengeance, et le châtiment. Concernent son âge, le président Biden a souligné que ce n’est pas l’âge qui compte, mais les idées à promouvoir. Il a rappelé la date du 6 Janvier 2021, où sur instigation de son prédécesseur, des insurgés ont pris d’assaut le Capitole afin d’empêcher le transfert pacifique du pouvoir, et de renverser la volonté du peuple. Il a ajouté qu’ils ont échoué, mais que la menace demeure, et que la démocratie doit être défendue. Il a rappelé qu’en démocratie, il faut accepter la défaite, et que le rôle du Président est de défendre le pays contre toutes les menaces nationales et étrangères. Il est nécessaire de respecter les élections libres et équitables, rétablir la confiance dans la Constitution, en garantissant le droit de vote à tous. Il a réfuté les diatribes de son prédécesseur contre les migrants et leur diabolisation en disant « qu’ils empoissonnent le sang de notre pays ». Il a condamné la proximité de Trump avec la NRA (National Rifle Association of America), ce qui n’a pas permis de réglementer l’usage des armes à feu, qui font des ravages notamment dans les Universités et les Ecoles. Il a enfin rappelé que Trump est cerné par les poursuites judicaires dont 40 inculpations au pénal.
Concernant son bilan économique, le président Biden a indiqué que les Etats-Unis ont eu une croissance de 2,5% en 2023 avec une prévision de 2,1% en 2024, grâce à la consommation intérieure qui est restée solide. L’inflation est également maitrisée à 3,2% contre 9,1% en Juin 2022. Enfin, le taux de chômage est resté stable à 3,7% aux Etats-Unis contre 4,8% dans la zone OCDE. Le président Biden a également augmenté les investissements publics dans les infrastructures et dans la recherche scientifique. Il a de même promulgué des incitations financières pour le secteur privé, notamment au niveau des semi-conducteurs, afin de diminuer les importations et augmenter les emplois aux Etats-Unis. Il s’est engagé s’il est réélu à rétablir le droit à l’avortement sur le plan fédéral, à durcir la législation contre l’immigration clandestine, et à interdire les fusils semi-automatiques. Il a promis également la baisse des coûts médicaux en renforçant l’Obamacare et le Medicare, assurance maladie réservée aux personnes âgées et aux invalides. Alors que Donald Trump était sceptique par rapport au changement climatique, Joe Biden a fait voter par le Sénat américain un plan de 370 milliards de dollars pour le climat, qui est un signal fort de l’engagement américain dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Critiquant la théorie du ruissèlement, Joe Biden veut à l’avenir taxer davantage les multinationales, et imposer les milliardaires au taux de 25%.
En politique étrangère le président Biden a renouvelé son soutien à l’Ukraine qui subit l’invasion russe. Il est favorable à l’envoi de tous types d’armes à l’Ukraine, mais refuse l’envoi de troupes américaines sur le sol ukrainien comme l’a suggéré le président Macron. Il demande au Congrès de voter l’aide financière de 60 milliards de dollars au profit de l’Ukraine, et qui est actuellement bloquée par la Chambre des représentants sous l’influence de Donald Trump. Il a affirmé que l’Ukraine peut arrêter l’invasion russe si elle dispose des armes dont elle a besoin. Il reproche à son prédécesseur d’être soumis à Poutine, et notamment ses paroles où il lui dit « faites ce que vous voulez » en Europe.
Concernant la guerre à Gaza, le président Biden renouvelle son soutien à Israël, et a recommandé plusieurs fois la nécessité pour l’armée israélienne de préserver la vie des civils palestiniens, et de ne pas entraver la distribution de l’aide humanitaire qui parvient de plusieurs pays. Il a ajouté que l’aide humanitaire ne peut être considérée comme une monnaie d’échange, et appelle à une trêve de 6 semaines à Gaza à l’occasion du mois de Ramadan. Avec d’autres pays notamment la Jordanie et la France, il a fait larguer par des avions américains des denrées alimentaires à Gaza, dont la population crie famine. Il a décidé également de créer un corridor maritime pour approvisionner la population de Gaza par des bateaux venant de Chypre. Enfin, il a déclaré que la seule véritable solution au conflit Israélo-Palestinien est une solution à deux Etats. On peut cependant lui reprocher de prononcer que des paroles dont Netanyahou ne tient pas compte. Joe Biden craint de passer aux actes, comme la suspension de l’aide financière et militaire, car le Congrès est pro-israélien, et qu’il peut perdre le vote des juifs aux Etats-Unis en Novembre 2024, était donné la puissance du Lobby Pro-israélien AIPAC. C’est ainsi que les Etats-Unis ont été les seuls membres du Conseil de sécurité à utiliser par trois fois leur véto contre les résolutions préconisant le cessez-le-feu à Gaza. Rappelons que lors de la présidence d’Obama qui n’avait pas de bonnes relations avec Netanyahou, ce dernier arrivé à Washington, est allé directement au Congrès où il a été accueilli chaleureusement, sans passer par la Maison blanche.
En conclusion, le discours sur l’état de l’Union par Joe Biden était solide et argumenté. Les élections présidentielles du 5 Novembre 2024 sont très importantes tant sur le plan national qu’international. En cas de victoire de Donald Trump, il y a un risque sur les libertés et la démocratie aux Etats-Unis. Sur le plan international, il peut réduire ou arrêter l’aide militaire et financière à l’Ukraine, qui risque de perdre la guerre contre la Russie. Il est peu favorable à l’OTAN, et a introduit un doute sur l’Article 5 qui stipule une action militaire collective au cas où un membre de l’Organisation est attaqué par une puissance étrangère. Ce qui pousse au réarmement de l’Europe sous l’impulsion du président Macron. En ce qui concerne la guerre à Gaza, il va renforcer le soutien américain à Israël. Rappelons que c’est lui qui a fait transférer l’Ambassade américaine de Tel Aviv à Jérusalem, et qu’il n’a pas condamné la colonisation illégale d’Israël en Cisjordanie. Enfin durant sa dernière présidence, il s’est désintéressé de l’Afrique et n’a fait aucun déplacement sur le continent.
Ceci-dit, c’est au peuple américain de choisir son Président pour la période 2025-2028. Quant à notre pays le Maroc, les bonnes relations historiques avec les Etats-Unis se sont toujours maintenues quelque soit l’hôte de la Maison blanche.
CHRONIQUES HEBDOMADAIRES DE l'IMRI