La guerre Ă Gaza
Israël Hors-la-loi avec la complicité de l’Occident
Par Jawad KERDOUDI Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)
Après l’attaque du Hamas le 7 Octobre 2023 sur le sol israélien qui a occasionné la mort de 1200 personnes et la prise de 242 otages, la riposte israélienne a été immédiate et sanglante. Elle a débuté par des frappes aériennes sur le Nord de la bande de Gaza avant de s’étendre sur tout le territoire. L’objectif tel que déclaré par Netanyahu est « la destruction du Hamas ». Les bombardements aériens ont été suivis par une opération terrestre qui s’est étendue jusqu’au Sud à Rafah. Une médiation entreprise par le Qatar, l’Egypte et les Etats-Unis, a donné lieu à une trêve du 24 au 29 Novembre 2023 ayant permis la libération de 110 otages dont 86 israéliens, ainsi que de 260 prisonniers palestiniens. Le bilan des victimes palestiniennes est exorbitant au 29 Mars 2024 : 32.490 morts dont 13.500 enfants, et 74.889 blessés dont 12.300 enfants. Une grande partie des immeubles d’habitation de Gaza ont été détruit, ainsi que la plupart des infrastructures.
Plusieurs résolutions du Conseil de sécurité pour le cessez-le-feu n’ont pas été adoptées suite au véto américain. Ce n’est que le 25 Mars 2024 que la résolution 2728 a été adoptée par 14 votes positifs et une abstention des Etats-Unis. Cette résolution exige un cessez-le-feu immédiat qui soit respectée par toutes les parties pendant le mois de Ramadan, en vue plus tard d’un cessez-le-feu durable. La résolution ordonne la libération immédiate et inconditionnelle des otages encore détenus par le Hamas, et l’accès humanitaire pour répondre aux besoins médicaux et autres besoins de la population de Gaza. Enfin la résolution pointe la nécessité urgente d’étendre l’acheminement de l’aide humanitaire aux civils et de renforcer la protection des civils dans l’ensemble de la bande de Gaza.
De son côté la Cour internationale de justice de La Haye saisie par l’Afrique du Sud a ordonné le 26 Janvier 2024 à Israël de tout faire pour empêcher tout acte de génocide dans la bande de Gaza contre le peuple palestinien. Dans un autre jugement du 28 Mars 2024, la Cour internationale de justice a prescris à Israël d’assurer à Gaza sans restriction et à grande échelle, la fourniture par toutes les parties intéressées des services de base et de l’aide alimentaire de toute urgence : eau, nourriture, électricité, combustible, et abri.
Israël n’a tenu aucun compte de la résolution 2728 du Conseil de sécurité, puisque dès le lendemain 26 Mars 2024 les frappes aériennes ont repris notamment sur l’Hôpital Al Shifa. Israël n’a pas tenu compte également des deux jugements de la Cour internationale de justice, en continuant ses opérations génocidaires contre les Gazaouis, et en ralentissant par de longues inspections les camions de l’aide alimentaire qui traversent les très peu points de passage autorisés. Israël se trouve dans ces conditions Hors-la-loi aussi bien vis-à -vis du Conseil de sécurité de l’ONU que vis-à -vis de la Cour internationale de justice. De plus, Netanyahu menace de mener une opération militaire sur la ville de Rafah où sont entassés 1,5 million de palestiniens, ce qui équivaudrait à un véritable carnage sur une surface de 10 Km2.
L’Article 25 de la Charte des Nations Unies stipule que « les membres des Nations Unies conviennent d’accepter et d’appliquer les décisions du Conseil de sécurité conformément à cette charte ». Le site officiel de l’ONU indique que « les seules résolutions susceptibles d’être juridiquement contraignantes sont celles du Conseil de sécurité ». Le porte-parole adjoint de l’ONU a déclaré « Les résolutions du Conseil de sécurité font partie du droit international, et que dans cette mesure, elles aussi sont contraignantes ». Seuls les Etats-Unis ont indiqué que la résolution 2728 n’est pas contraignante en jouant sur les mots. Ils ont indiqué que la résolution n’est pas contraignante, car le cessez-le-feu est demandé et non décidé par le Conseil de sécurité. C’est un raisonnement puéril car le mot « demands » en anglais qui figure sur la résolution est traduit en français par « exigé » et non demandé. De plus si Israël n’applique pas la résolution 2728, le Conseil de sécurité peut recourir au chapitre 7 de la Charte des Nations Unies qui prévoit des sanctions punitives, et même l’utilisation de la force armée pour obliger l’Etat défaillant à respecter la résolution.
Israël agit ainsi car il a toujours bénéficié du soutien de l’Occident et notamment des Etats-Unis, où l’influence du lobby pro-israélien AIPAC est très puissante. C’est ainsi que durant toute la guerre de Gaza, les Etats-Unis n’ont pas cessé de livrer des armes à Israël, comprenant des avions de combat F35, des bombes de différents calibres, des obus, et des munitions. L’aide financière annuelle des Etats-Unis à Israël est de 3,8 milliards de dollars. La France a livré aussi des armes à Israël fin Octobre 2023 d’une manière secrète. Après les révélations du média d’investigation Disclose, le ministre des armées Sébastien Lecornu a confirmé le 26 Mars 2024 la livraison de pièces de munitions à Israël, mais assure qu’elles sont destinées à la « réexportation » vers d’autres pays. Disclose révèle d’après son enquête, qu’aucun contrôle n’a été effectué par les services français sur place, d’où la possibilité de détournement au profit de l’armée israélienne.
En conclusion, seul l’Occident et en particulier les Etats-Unis ont la possibilité de mettre fin à la guerre à Gaza, en cessant toute livraison d’armes et de munitions à Israël. Le président Biden a fait un petit pas dans ce sens, en permettant l’adoption de la résolution 2728 par l’abstention des Etats-Unis, et en déclarant clairement qu’il s’oppose à une opération militaire israélienne sur Rafah. L’Occident n’a jamais pris de sanctions contre Israël, alors qu’il les a multipliées contre la Russie à la suite de l’invasion de l’Ukraine. Seule une position très ferme de l’Occident vis-à -vis d’Israël peut contribuer à résoudre le problème israélo-palestinien qui dure depuis 76 ans. Cela suppose des élections anticipées en Israël demandées par des milliers de manifestants à Tel Aviv pour un changement de gouvernement, car l’actuel a annexé de nouveau 800 hectares en Cisjordanie pour y installer des colons, et a clairement indiqué qu’il s’oppose à la création d’un Etat palestinien.
CHRONIQUES HEBDOMADAIRES DE l'IMRI