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Sommet de la Ligue arabe Ă  Manama
Un bilan mitigé

Par Jawad KERDOUDI
Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)

Le 33ème Sommet de la Ligue arabe s’est tenu à Manama capitale de l’Etat de Bahreïn. Le Chef de gouvernement Aziz Akhannouch qui représentait le Roi Mohammed VI a lu le discours Royal à ce Sommet. Le Souverain a mis en lumière la conjoncture internationale critique, et la nécessité de relever les défis de sécurité et de développement auxquels fait face la Nation arabe. L’agression israélienne flagrante contre la bande de Gaza, a mis la cause palestinienne au centre de toute action visant à instaurer une paix juste et durable dans la région du Moyen-orient. Le Roi Mohammed VI a réitéré le soutien constant au peuple palestinien frère pour l’établissement d’un Etat indépendant sur les frontières du 4 Juin 1967 avec Al-Qods-Est comme capitale. Il a considéré comme inacceptables les déplacements forcés des Gazaouis, et la tentative d’imposer une réalité nouvelle dans la bande de Gaza.

Le Souverain a insisté sur l’acheminement sans entraves de l’aide humanitaire à la bande de Gaza. En tant que président du Comité Al Qods, il s’efforce de préserver le cachet historique et civilisationnel de la ville sainte. L’Agence Bayt Mal Al Qods dont le Maroc est le principal contributeur, programme des projets concrets au bénéficie de la société civile palestinienne. Concernant la situation douloureuse de certains pays arabes, le Souverain prône le dialogue et les initiatives pacifiques pour résoudre les problèmes de rétablissement de la paix et de la sécurité. Cependant le Roi Mohammed VI regrette que la complémentarité et l’intégration économique entre les pays arabes demeurent en deçà des attentes. Il préconise d’adopter une approche réaliste en vue de construire un projet commun. Il insiste sur le respect des principes de bon voisinage, de souveraineté nationale, et d’intégrité territoriale des pays. Il regrette également que l’Union du Maghreb Arabe (UMA) ne remplit pas son rôle naturel, en appui du développement commun des Etats Maghrébins, afin d’établir la libre circulation des personnes, des capitaux, des biens et des services. Enfin, le Souverain insiste sur les ressources humaines des pays arabes, et en premier lieu la jeunesse à laquelle il convient d’ouvrir de meilleures perspectives de qualification et d’évolution, en mettant à sa disposition les outils et les supports pédagogiques modernes.

Au départ du 33ème Sommet de la Ligue arabe à Manama, le Roi du Bahreïn a appelé à une Conférence internationale pour la paix au Proche-Orient, ainsi qu’à soutenir la pleine reconnaissance de l’Etat de Palestine et son adhésion aux Nations Unies. Dans le cadre de la Déclaration de Bahreïn, les dirigeants arabes ont déclaré « Nous exigeons un cessez-le-feu immédiat et permanent à Gaza, l’arrêt de toutes les tentatives de déplacement forcés, la fin de toutes les formes de sièges, et un accès total et durable de la population à l’aide humanitaire ». Ils ont demandé le déploiement des casques bleus de l’ONU dans les territoires palestiniens occupés par Israël, jusqu’à la mise en œuvre de la solution à deux Etats, israélien et palestinien.
Invité au Sommet, le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a estimé que la guerre qui fait rage dans la bande de Gaza depuis plus de sept mois était « une plaie ouverte qui menace d’infecter toute région ». Il a réitéré son appel à la « libération immédiate et inconditionnelle de tous les otages et un cessez-le-feu humanitaire immédiat ». Il a jouté « Toute offensive sur Rafah est inacceptable », alors qu’Israël menace de lancer une offensive d’envergure sur cette ville du sud de la bande de Gaza où s’entasse 1,5 million de Palestiniens. L’armée israélienne a déjà pris le contrôle du point de passage de Rafah avec l’Egypte qu’elle a fermé. Si Israël intensifie son action à Rafah, le bilan des pertes palestiniennes qui est à ce jour de 35.272 morts et 79.205 blessés risque d’augmenter encore.
On ne peut que saluer le discours du Roi Mohammed VI au 33ème Sommet de la Ligue arabe, qui met notamment en exergue la nécessité de réformer la Ligue arabe pour la rendre plus efficiente. De même, la nécessité de relancer l’Union du Maghreb arabe (UMA) qui est actuellement en hibernation, et le respect de l’intégrité territoriale des pays arabes. Le Souverain a insisté également sur l’importance de la jeunesse arabe, qu’il faut former d’une façon moderne afin d’augmenter l’employabilité. Quant aux recommandations du 33ème Sommet, elles sont décevantes car difficilement applicables concrètement. Concernant le cessez-le-feu, le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté le 25 Mars 2024 une résolution exigeant un cessez-le-feu immédiat à Gaza (14 membres du Conseil ont voté pour, et les Etats-Unis se sont abstenus). Malgré cette résolution, Israël a continué la guerre et le massacre des Palestiniens. Quant aux déplacements forcés, le 15 Mai 2024 l’ONU a déclaré le déplacement forcé de 600.000 Palestiniens de la ville de Rafah. L’aide humanitaire aux Palestiniens est autorisée au compte-gouttes par Israël, qui a fermé l’important point de passage de Rafah avec l’Egypte. Quant au déploiement de casques bleus de l’ONU sur le territoire palestinien occupé, il faut l’accord du Conseil de sécurité, et celui des Etats volontaires pour participer au déploiement. D’une part, les casques bleus ne peuvent se déployer qu’après le cessez-le-feu, et les Etats-Unis s’opposeront à toute résolution de l’ONU prônant ce déploiement. Enfin le gouvernement de Netanyahu a affirmé à plusieurs reprises son refus de la création d’un Etat palestinien.

En conclusion, le gouvernement de Netanyahu fait fi des résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU, qu’il n’a d’ailleurs jamais respectées. Le seul moyen d’amener Israël à la raison, est la prise de sanctions. C’est ainsi que le procureur de la Cour pénale internationale a demandé le lundi 20 Mai 2024 un mandat d’arrêt contre Netanyahu et le ministre de la défense Yoav Gallant pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. L’Europe pourrait suspendre l’Accord d’Association avec Israël, et les Etats-Unis pourraient stopper toute aide financière et toute livraison d’armes. L’autre moyen d’aider à la solution du conflit israélo-palestinien est la reconnaissance bilatérale de l’Etat palestinien, et son adhésion complète à l’ONU. Déjà 143 pays reconnaissent l’Etat palestinien, et l’Espagne, l’Irlande, la Slovénie et Malte s’apprêtent à le faire. Le reste du monde pourrait boycotter l’achat de produits israéliens, à l’image du boycott des produits sud-africains qui a permis la fin de l’apartheid dans ce pays et la prise du pouvoir par la majorité de la population.

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