Bilan du Forum de Coopération Sino-Arabe
Quel impact sur le conflit Israélo-Palestinien ?
Par Jawad KERDOUDI Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)
Après le premier Sommet Sino-Arabe qui a eu lieu en Décembre 2022 à Riyad, un nouveau Sommet s’est réuni le 30 Mai 2024 à Pékin. Ont participé à ce Sommet le Président chinois Xi-Jinping, les chefs d’Etat de Bahreïn, des Emirats Arabes Unis, de l’Egypte et de la Tunisie, ainsi que des Représentants des autres pays arabes.
Dans son discours d’ouverture, le Président chinois a rappelé l’affinité de la Chine avec le Moyen-Orient du temps de la « Route de la soie », ainsi que la communauté de destin sino-arabe. Il a réaffirmé le partenariat stratégique avec la Ligue arabe et les pays qui la composent, dans un esprit d’inclusivité et d’apprentissage mutuel. Il a proposé aux pays Arabes cinq nouveaux cadres concrets de coopération. Le premier concerne l’innovation, avec la constitution avec les pays Arabes de dix laboratoires communs traitant de la santé, l’intelligence artificielle, le développement vert, la faible émission de carbone, l’agriculture moderne, les technologies spaciales et de l’information. Le second cadre concerne la coopération en matière d’investissement et de financement, en élargissant l’association inter-bancaire sino-arabe, et en utilisant la ligne de crédit pour la coopération financière sino-arabe. Le troisième cadre concerne une coopération plus étroite entre les institutions financières sino-arabes, par l’émission des obligations « panda » qui sont des obligations libellées en Yuans et émis sur le marché intérieur des capitaux chinois. Ce cadre invité les pays arabes à rejoindre le système de paiement interbancaire frontalier établi par la Chine. D’autre part, ce cadre préconise la coopération sino-arabe en matière d’énergies fossiles (pétrole et gaz), la recherche-développement des nouvelles technologies énergétiques, et la participation de la Chine aux projets d’énergies renouvelables dans les Etats arabes.
Le quatrième cadre de coopération est le renforcement des relations économiques et commerciales entre la Chine et les pays arabes, par l’établissement d’Accords de libre-échange bilatéraux et régionaux, la promotion de la coopération en matière de commerce électronique, et la diversification des exportations des pays arabes vers la Chine en dehors des produits énergétiques. Le cinquième cadre concerne les échanges culturels et touristiques entre les peuples arabes et chinois, par la multiplication des Centres de recherches sino-arabes, et la création des plateformes communes et de Think Tanks. Pour promouvoir ces échanges, la Chine invitera chaque année 200 dirigeants des partis politiques arabes, dans le but d’atteindre 10 millions de visites de part et d’autre au cours des cinq prochaines années. La Chine est déjà le premier partenaire commercial des pays arabes avec un montant d’échanges commerciaux qui ont atteint 398 milliards de dollars en 2023).
Dans le cadre de ce Forum de Coopération sino-arabe, une Conférence ministérielle a eu lieu, à laquelle le Maroc a été représenté par Monsieur Nasser Bourita, ministre des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger. Ce dernier a souligné la complémentarité de l’initiative Royale concernant la possibilité pour les pays enclavés du Sahel à avoir accès à la mer, et l’initiative chinoise « la ceinture verte ». Il a rappelé l’amitié ancestrale entre le Maroc et la Chine, ainsi que le partenariat stratégique signé en Mai 2016 à Pékin entre le Roi Mohammed VI et le Président Xi-Jinping. La Chine est actuellement le 2ème fournisseur du Maroc et le 1er partenaire asiatique du Maroc. Les investissements chinois au Maroc sont en grande progression notamment à travers la ville industrielle intelligente « Cité Mohammed VI Tanger Tech), et l’usine de fabrication de vaccins anti-Covid avec le partenaire chinois Sinopharm. Sur le plan politique, le Maroc confirme sa position « d’une seule Chine », et est favorable comme la Chine à l’instauration d’un nouvel ordre mondial plus équilibré et multipolaire.
La question palestinienne a été largement débattue lors du Forum de coopération sino-arabe à Pékin. Le Président Xi-Jinping a déclaré être « profondément attristé par la situation de la bande de Gaza » et a poursuivi « La guerre ne peut continuer indéfiniment, la justice ne peut être absente pour toujours ». Il a exigé un cessez-le-feu immédiat à Gaza, et la création d’un Etat palestinien indépendant. Il a proposé la tenue d’une Conférence de paix internationale élargie pour trouver une solution au conflit israélo-palestinien. Tous les pays arabes sont favorables à cette approche du Président Xi-Jinping. Monsieur Bourita a rappelé à ce sujet que le Roi Mohammed VI, Président du Comité Al-Qods a appelé à plusieurs reprises à un cessez-le-feu immédiat, l’acheminement des aides sans entraves, et le rejet du déplacement forcé des Palestiniens. Il a affirmé que « la Chine, de part sa place importante au sein de la communauté internationale, et sa politique équilibrée est considérée comme un partenaire fiable, capable de jouer un rôle constructif pour parvenir à un règlement juste et équitable de la question palestinienne ».
En conclusion, on ne peut que se réjouir du bilan positif du Forum de coopération sino-arabe qui s’est réuni le 30 Mai 2024 à Pékin, tant sur le plan de la coopération que sur la question palestinienne. La Chine dispose de la deuxième économie mondiale, et est en passe de devenir la première à moyen terme. Elle peut apporter beaucoup aux pays Arabes au niveau des investissements par le transfert de technologies, et au niveau des échanges commerciaux par les importations massives de pétrole et de gaz dont disposent plusieurs Etats-Arabes, et par les importations des pays Arabes de produits chinois qui sont les plus compétitifs dans le rapport qualité/prix.
Pour la question palestinienne, le soutien de la Chine favorable à l’instauration d’un Etat palestinien est important, surtout que la Chine est membre permanent au Conseil de sécurité de l’ONU. Cependant le premier ministre israélien Benyamin Netanyahu, fort du soutien des Etats-Unis et de l’Europe, n’écoute personne et continue sa guerre sanglante à Gaza. Il n’écoute ni l’ONU, ni la Cour Internationale de justice qui ont ordonné à plusieurs reprises un cessez-le-feu immédiat à Gaza, et l’acheminement sans entraves de l’aide humanitaire. Le Procureur de la Cour pénale internationale a requis le 20 Mai 2024 un mandat d’arrêt international contre Netanyahu et le ministre israélien de la Défense Yoav Gallant pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité.
Devant le bilan catastrophique de la guerre à Gaza pour les Palestiniens (36.050 morts et 81.026 blessés), la destruction quasi-totale des infrastructures et des habitations, le déplacement forcé de la population, la menace de la famine, la communauté internationale a manifesté sa réprobation de la guerre d’agression d’Israël. Des milliers de manifestants, même aux Etats-Unis et en Europe, ont dénoncé Israël en exigeant un cessez-le-feu immédiat et l’instauration d’un Etat palestinien indépendant. Aux 143 pays qui reconnaissent l’Etat palestinien, se sont ajoutés trois pays européens : l’Espagne, l’Irlande et la Norvège. Le Président américain Biden sous pression de la communauté internationale, a proposé le 31 Mai 2024 un plan de trois phases d’une quarantaine de jours chacune, pour passer d’un cessez-le-feu temporaire à une paix durable à Gaza. Les négociations entre Israël et le Hamas vont débuter au Caire par l’intermédiaire du Qatar, de l’Egypte et des Etats-Unis. Il faut espérer un accord pour mettre fin à la guerre atroce à Gaza, et préparer l’instauration d’un Etat palestinien. Seuls les Etats-Unis qui fournissent à Israël une aide considérable financière et militaire peuvent imposer la paix à Israël.
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