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Forum sur la coopération sino-africaine
Bilan et perspectives ?

Par Jawad KERDOUDI
Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)

Le Forum sur la coopération sino-africaine a été créé en 2000, et a tenu à Pékin sa 24ème édition du 4 au 6 Septembre 2024. Ce Forum est basé sur la coopération, la solidarité, et le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale des Etats membres. Il s’est renforcé en 2006 par la mise en œuvre du Fonds de développement Chine/Afrique doté de 5 milliards de dollars. Ont participé à ce Forum une cinquantaine de dirigeants africains.

Dans son discours d’ouverture du 5 Septembre 2024, le Président chinois Xi Jinping a énoncé que l’objectif de ce Forum est de renforcer les échanges en infrastructures et commerce entre la Chine et les pays africains. Il a ajouté que les relations Chine-Afrique connaissent la meilleure période de l’histoire. Concrètement, il a promis un financement de 50 milliards de dollars sur trois ans au profit des pays africains. Les secteurs prioritaires seront l’industrie, l’agriculture, les infrastructures, le commerce et les investissements. Avec ce financement, le Président chinois espère contribuer à la création d’un million d’emplois dans les pays africains. Présent au Forum, le Secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a loué la Chine pour son extraordinaire développement, et a indiqué que la Chine et l’Afrique sont capables de révolutionner les énergies renouvelables grâce au solaire.
La Chine est devenue le premier partenaire commercial de l’Afrique, avec des échanges de 167 milliards de dollars pendant le premier semestre 2024. Cette première place a été acquise malgré la vive concurrence des autres puissances mondiales : Etats-Unis, Europe, Russie, Brésil, Inde, Japon, Turquie, Corée du Sud. C’est qu’en effet l’Afrique dispose de deux grands atouts : sa grande population 1,3 milliard d’habitants qui deviendra 2,5 milliards en 2050, et la jeunesse de cette population : 40% des africains ont mois de 15 ans.
Le second atout est la richesse extraordinaire de ses ressources naturelles : pétrole, gaz, produits miniers de toutes sortes. La Chine « Atelier du monde » a besoin des matières premières de l’Afrique, et de son marché considérable pour ses exportations.
En contrepartie, elle offre des dons aux pays africains, à l’exemple du siège de l’Union africaine à Addis-Abeba, et des terrains omnisports dans plusieurs pays africains. La Chine finance également les grands investissements en Afrique par des prêts des banques chinoises à des taux préférentiels, notamment l’Exim Bank, qui ont atteint 30 milliards de dollars en 2016. On peut citer à titre d’exemple le chemin de fer entre la Tanzanie et la Zambie, et celui reliant Nairobi à Mombassa. La Chine finance également une grande autoroute au Kenya dont le coût est estimé à 1,2 milliard de dollars. Elle finance également au Nigeria les infrastructures de transport, de ports et de zones de libre-échange. Ces investissements sont réalisés dans le cadre des routes de la soie dénommées « Initiative la ceinture et la route » qui ont pour objectif d’améliorer les voies de communication et la coopération à l’échelle transcontinentale.
Le Forum de la coopération sino-africaine a adopté le plan d’action de Beijing 2025-2027. Il énonce le soutien à l’Afrique dans les trois ans à venir, notamment dans la coopération politique, paix et sécurité. Il prévoit des échanges concernant la gouvernance, la modernisation et entre civilisations. Il instaure la coopération dans le cadre de l’initiative « La ceinture et la route » et l’agenda 2063 de l’Union africaine. La Chine soutiendra la modernisation agricole de l’Afrique, ainsi que l’industrialisation, l’énergie et le commerce. Une place importante de la coopération sino-africaine sera réservée à la formation de ressources humaines et l’autonomisation des femmes et des jeunes. Enfin, le plan d’action 2025-2027 prévoit la coopération dans le développement durable et le bien-être social avec l’Agenda 2030 des Nations-Unies et dans les domaines humains et culturels.
Le Maroc était représenté au Forum de Pékin sur la coopération sino-africaine par une importante délégation présidée par le Chef du gouvernement, et composée du ministre des affaires étrangères, du ministre délégué chargé de l’investissement, de l’ambassadeur du Maroc à Pékin et du président de la CGEM. La participation du Maroc à ce Forum l’a conforté dans son statut de leader continental incontournable, qui place le développement et la prospérité de l’Afrique au cœur de son action diplomatique, conformément aux hautes instructions du Roi Mohammed VI.
La Déclaration finale du Forum a signalé l’organisation par le Maroc de la Cop22 en Novembre 2016 à Marrakech, les Assemblées annuelles de la Banque mondiale et du FMI en 2023, le Forum de haut niveau sur l’intelligence artificielle en Juin 2024 à Rabat. Elle a également félicité le Maroc pour l’installation à Rabat du Bureau du programme de l’ONU pour la lutte contre le terrorisme et la formation en Afrique. Plusieurs réunions BtoB ont été organisées par les hommes d’affaires marocains avec leurs collègues chinois. Le CGEM a mis en exergue l’attractivité du Maroc pour les investissements chinois, du fait de sa stabilité politique, la qualité de ses infrastructures, les accords de libre-échange signés par le Maroc avec 60 pays, sa proximité à l’Europe, et sa position privilégiée en Afrique subsaharienne. Le Chef du gouvernement a profité du Forum pour visiter la Gicafactory (usine géante) de la société Gotion High Tech dans la province de Hefei. Cette société va construire à Kenitra une Gicafactory pour la fabrication des batteries électriques, d’un coût de 12,8 milliards de dirhams, et qui va employer 17.000 personnes dont 2300 à haute qualification. Elle sera opérationnelle en Juin 2026.
En conclusion, on ne peut qu’être satisfait de la coopération de la Chine avec l’Afrique, qui va permettre à notre continent de se développer économiquement à moyen et long terme. Cependant, il n’y a pas de vision stratégique globale de l’Afrique vis-à-vis de sa coopération avec la Chine, chaque pays tente de défendre ses propres intérêts. A titre d’exemple, l’Union africaine pourrait imposer l’utilisation de la main-d’œuvre locale en lieu et place des ouvriers chinois, pour la construction des investissements en Afrique. Un autre exemple est le plafonnement des prêts accordés par la Chine à certains pays africains qui n’ont pas les moyens de les rembourser. Des conditions doivent être établies pour éviter l’extraction intensive des matières premières qui peut avoir un impact négatif sur l’environnement. Enfin, il faut donner la priorité à l’industrialisation de l’Afrique, en imposant par exemple la transformation sur place d’une partie des matières premières importées par la Chine. Seule l’industrialisation de l’Afrique permettra à notre continent de diminuer ses déficits commerciaux et d’éradiquer la pauvreté.

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