La guerre en Ukraine
L’alignement de Trump sur les positions de Poutine
Vers un nouvel ordre mondial ?
Par Jawad KERDOUDI Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)
Le président américain Donald Trump durant la campagne présidentielle aux Etats-Unis avait exprimé son souhait de mettre fin à la guerre en Ukraine. Après avoir pris ses fonctions le 20 Janvier 2025, il a appelé au téléphone le président russe Vladimir Poutine le 12 Février 2025. Le président américain a annoncé avoir eu « Une conversation prolongée et très productive » avec le président russe, qui a déclaré de son côté vouloir trouver « Une solution de long terme au conflit ukrainien à travers des pourparlers de paix ».
Ce coup de fil de Donald Trump à Vladimir Poutine a surpris la communauté internationale, et notamment l’Europe qui n’avait pas été informée de cette initiative. Aussi, le 17 Février 2025, le président français Emmanuel Macron a convoqué à Paris les représentants des pays de l’Union européenne et de l’OTAN. Le but de cette réunion était de « tenter de coordonner le soutien européen à l’Ukraine, garantir la sécurité du continent, et renforcer le rôle de l’Europe au sein de l’OTAN, alors que Donald Trump s’apprête à négocier l’issue de la guerre avec Vladimir Poutine sans l’Ukraine et sans les Européens ».
C’est ainsi que le 18 Février 2025, de hauts responsables américains et russes se sont rencontrés à Ryad en Arabie saoudite. Du côté américain, étaient présents le Secrétaire d’Etat Marco Rubio, le Conseiller à la sécurité nationale Mike Waltz, et l’Envoyé spécial des Etats-Unis pour le Moyen-Orient Steve Witkoff. Du côté russe, étaient présents Serguei Lavrov ministre russe des affaires étrangères, et le Conseiller du président russe en matière de politique étrangère Iori Ouchakov. Le but des pourparlers est de normaliser les relations diplomatiques entre les Etats-Unis et la Russie, préparer un Sommet entre Donald Trump et Vladimir Poutine en vue d’un règlement du conflit en Ukraine. Le Compte-rendu de la réunion indique la constitution d’un mécanisme de consultation, qui permettra aux deux pays d’aborder la question des sanctions économiques imposées par les Etats-Unis à la Russie.
Le président Donald Trump qui avait de bonnes relations avec le président de l’Ukraine Zelenski pendant la campagne électorale américaine, s’est attaqué frontalement à ce dernier. C’est ainsi qu’il l’a qualifié de « Dictateur sans élections », et que c’est l’Ukraine qui a déclenché la guerre à la Russie.
Certes le mandat de Zelenski a expiré en Février 2024, mais la guerre et la loi martiale qui a été déclarée, ne permettent pas d’organiser des élections. Il l’a aussi traité de « Comédien au succès modeste » et qu’il ne dispose que de 4% d’avis favorables à sa gouvernance. Or un sondage récent en Ukraine le gratifie de 57% d’avis favorables. Ce jugement de Trump à l’égard de Zelenski est injuste. Après le déclenchement de la guerre en Ukraine par la Russie le 24 Février 2022, deux jours plus tard Zelenski a refusé d’être exfiltré en disant « J’ai besoin de munitions pas d’un chauffeur de taxi ». Depuis, il a mené une résistance héroïque de son pays vis-à -vis de l’agression russe, pendant maintenant trois ans. Selon certaines sources, la colère de Trump vis-à -vis de Zelenski s’explique par le refus du président ukrainien de signer un accord avec les Etats-Unis, leur octroyant l’exploitation de 50% des terres rares localisées en Ukraine. Trump veut récupérer les 500 milliards de dollars accordés par l’Administration Biden à l’Ukraine. Zelenski a déclaré « Je défends l’Ukraine, je ne veux pas vendre notre pays ». Il a aussi dit « Il n’y a pas d’accord sur l’Ukraine sans l’Ukraine » et qu’il exige des garanties de sécurité, pour que la Russie n’envahisse pas à nouveau l’Ukraine dans deux à quatre ans.
Or Trump avant même les négociations accepte que la Russie garde les 20% de territoire ukrainien qu’elle a occupés, et que l’Ukraine ne pourra pas adhérer à l’OTAN. D’ailleurs, les Etats-Unis ont soumis au Conseil de sécurité de l’ONU Vendredi 21 Février 2025 une résolution qui « implore pour une fin rapide du conflit, et appelle à une paix durable entre l’Ukraine et la Russie » sans mentionner l’intégrité territoriale de l’Ukraine.
En conclusion, il est inadmissible que des négociations aient lieu sans la présence de l’Ukraine et de l’Europe. La position de Donald Trump est incompréhensible, et Jean-Yves Le Drian ancien ministre français des affaires étrangères, a même déclaré dans une interview que le président américain procède à « un renversement des alliances ». Depuis la seconde guerre mondiale, l’Alliance transatlantique a toujours fonctionné. Peut-être Donald Trump veut se rapprocher de la Russie pour l’éloigner de la Chine, qui est considérée par les Américains comme la principale adversaire, et marginaliser l’Europe. Le président Macron a déclaré que la Russie « constitue une menace existentielle », et le premier ministre François Bayrou « d’un basculement du monde ». Le président Trump doit recevoir cette semaine à Washington Emmanuel Macron et le premier ministre britannique Keir Starmer. Arriveront-ils à changer la position de Donald Trump vis-à -vis de la Russie ? Nous le saurons lors des prochains jours.
Entretemps, s’est tenue le 21 Février 2025 à National Harbour près de Washington, la grande messe des conservateurs organisés par le CPAC (Conservative Political Action) qui a regroupé près de 10.000 participants. Outre les grands conservateurs américains : Donald Trump, Steve Bannon, Elon Musk, se sont joints à la messe l’argentin Javier Milei, les britanniques Nigel Farage et Liz Truss, le Slovaque Robert Fico, la Roumaine Diana Lovanovici-Sosoaca, et le Polonais Mateusz Morawiecki.
Les Français étaient représentés par Raphael Audouard Directeur de la Fondation des Patriotes pour l’Europe, et Jordan Bardella président du Rassemblement national, qui a annulé son intervention suite un geste nazi de Steve Bannon. Les intervenants européens ont déclaré « Nous voulons rendre sa grandeur à l’Europe », et dénoncé le déclin du vieux continent, et aussi « on regarde de l’autre côté de l’Atlantique avec jalousie » et encore « une révolution Trump en Europe ». Quant à Elon Musk, il s’est ridiculisé en brandissant une tronçonneuse qui lui a été offerte par le président argentin Javier Milei, et qui a affirmé que l’Europe était en train de s’effondrer. L’ex-premier ministre polonais reproche aux dirigeants actuels européens de se concentrer sur les « mauvaises priorités, comme le fait d’accueillir autant de migrants clandestins que possible ». La montée de l’extrême droite aussi bien aux Etats-Unis qu’en Europe est dangereuse pour la démocratie et les libertés. Il faut la combattre résolument pour sauvegarder les valeurs qui ont gouverné le monde depuis la fin de la seconde guerre mondiale.
CHRONIQUES HEBDOMADAIRES DE l'IMRI