Les 100 premiers jours de la présidence de Donald Trump
Un bilan mitigé de sa politique étrangère
Par Jawad KERDOUDI Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)
Le 29 Avril 2025 a été le centième jour de la présidence de Donald Trump qui avait pris ses fonctions le 20 Janvier 2025. Pour notre pays le Maroc, le bilan est positif. Rappelons tout d’abord que le Président Donald Trump a reconnu le 10 Décembre 2020 la marocanité du Sahara en contrepartie de la reprise par le Maroc des relations diplomatiques avec Israël dans le cadre des Accords d’Abraham.
Lors de la rencontre à Washington le 8 Avril 2025 avec notre ministre des affaires étrangères Nasser Bourita, le Secrétaire d’Etat américain Marco Rubio a réitéré que les Etats-Unis reconnaissent la souveraineté du Maroc sur le Sahara, et soutiennent la proposition sérieuse et réaliste d’autonomie, comme seule base pour une solution juste et durable du conflit. Les Etats-Unis appellent pour que les parties s’engagent dans des discussions sans délai, en utilisant la proposition d’autonomie du Maroc comme seul cadre pour négocier une solution mutuellement acceptable.
Cette position tranchée américaine a influé sur le Conseil de sécurité de l’ONU qui s’est réuni à New York le 14 Avril 2025 pour discuter de la question du Sahara. En effet, l’Envoyé personnel pour le Sahara Steffan de Mistura, a proposé la relance des négociations entre les parties concernées dans les trois prochaines mois, autour de l’initiative des Etats-Unis en faveur du plan d’autonomie marocain. Il n’a fait aucune référence ni au référendum ni à la partition du territoire. Avec la France qui a également reconnu la marocanité du Sahara et le soutien au plan d’autonomie, ce sont donc deux membres importants et permanents du Conseil de sécurité qui sont favorables à la position marocaine. Le 20 Avril 2025, Massad Boulos Conseiller spécial de Donald Trump pour l’Afrique, a déclaré que la position américaine sur la souveraineté du Maroc sur le Sahara est claire et sans équivoque. Il a ajouté que les Etats-Unis considèrent le Maroc comme un partenaire majeur dans la région, et qui joue un rôle primordial eu égard aux questions arabes, africaines et du Moyen-Orient. La réunion du Conseil de sécurité du 14 Avril 2025 n’a pas donné lieu à l’établissement d’une décision formelle. C’est la prochaine réunion du Conseil de sécurité au mois d’Octobre 2025 qui va adopter une résolution, avec l’espoir qu’elle va clore définitivement un conflit qui dure depuis cinquante ans.
Si la politique étrangère de Donad Trump vis-à -vis du Maroc a été positive pendant les 100 premiers jours de son mandat, elle a été beaucoup plus problématique pour les autres pays. En effet, Donald Trump a chamboulé la diplomatie américaine, multiplié les annonces et les provocations, imposant au reste du monde ses ambitions à la fois expansionnistes et protectionnistes. Faisant fi du droit international et de la Charte des Nations-Unis, il a appelé le Canada à rejoindre les Etats-Unis en tant que 51ème Etat de la Fédération, en considérant que la frontière entre les deux pays est artificielle, et que le Canada aurait beaucoup à gagner en s’intégrant aux Etats-Unis. Il a également demandé le retour du Canal de Panama sous l’autorité américaine, et a jeté son dévolu sur le Groenland en déclarant le 4 Mars 2025 « Nous en avons besoin pour notre sécurité économique ». Il a ajouté que l’annexion du Groenland se ferait « d’une manière ou d’une autre » en promettant aux habitants : sécurité, prospérité économique et succès durable. Rappelons que cette île de 2,1 millions de km2 est autonome et la propreté du Danemark. Disposant déjà d’une base militaire dans le Nord-Ouest du Groenland, les Etats-Unis sont intéressés par la position stratégique de ce territoire entre les Etats-Unis et la Russie. Enfin, le sous-sol de l’île regorge de ressources naturelles notamment le gaz et les terres rares.
Le Président Donald Trump s’en est pris déjà pendant son premier mandat à l’OTAN (Organisation de l’Atlantique Nord), critiquent les pays européens membres pour leur sous-investissement militaire et leur dépendance vis-à -vis des Etats-Unis. C’est ainsi qu’il a fixé à ses membres en 2006 l’objectif de 2% du PIB pour le budget militaire. Il a porté ce taux à 5% le 7 Janvier 2025, et a menacé de ne pas appliquer l’Article 5 du Traité, qui stipule que si un pays membre de l’OTAN est attaqué, le reste des 23 pays membres viendrait à son secours. Face à ces menaces, la présidente de la Commission européenne Ursula Von Der Leyen a présenté le 4 Mars 2025 un Plan pour réarmer l’Europe de 800 milliards d’euros sur cinq ans afin de moderniser les capacités militaires des vingt-Sept.
Sur le plan économique, le Président Donald Trump a dénoncé le déficit commercial des Etats-Unis avec le reste du monde qui s’est élevé à 1203 milliards de dollars en 2024. Accusant les pays étrangers « d’escroquer l’Amérique », il a imposé le 10 Février 2025 contrairement aux règles de l’OMC (Organisation mondiale du Commerce) des droits de douane de 25% sur l’acier, l’aluminium, et les véhicules automobiles. Le 2 Avril 2025 qu’il a qualifié de « Jour de la libération », il a imposé une augmentation vertigineuse des droits de douane sur les exportations étrangères. C’est aussi qu’il les a fixés à titre d’exemple à 145% pour la Chine, 49% pour le Cambodge, 47% pour Madagascar et 46% pour le Vietnam. Il n’a pas ménagé les alliés des Etats-Unis : 32% pour Taiwan, 25% pour la Corée du Sud, 24% pour le Japon et 20% pour les pays de l’Union européenne. Enfin, toute exportation sur les Etats-Unis devra acquitter un droit de douane minimum de 10%, y compris pour le Maroc malgré l’Accord de libre-échange entre les deux pays.
Il a justifié ces augmentations de droits de douane par la protection des industries nationales américaines, pour obliger les grands pays exportateurs aux Etats-Unis de délocaliser leurs usines sur le sol américain, et pour augmenter les recettes de l’Etat, afin de diminuer les impôts et le déficit budgétaire. Ces augmentations très élevées de droits de douane aux Etats-Unis ont été mal perçues par les Bourses mondiales qui ont subi des baisses importantes : Argentine (-7%), Italie (-6,53%), Wall Street (-6%), Francfort et Londres (-4,95%), Mexique (-4,8%), France Cac40 (-4,6%). Le pétrole a de même chuté à moins de 60 dollars le baril. Les entreprises américaines qui dépendent des importations de l’étranger ont également protesté, car leur coût de production va augmenter, et va se traduire par l’augmentation de l’inflation. Devant cette situation alarmante, Donald Trump a suspendu ces augmentations le 9 Avril 2025 pour une période de 90 jours, sauf le taux de 145% pour la Chine, de 25% pour l’acier, l’aluminium, et les véhicules automobiles, et 10% pour toutes les autres importations de n’importe quel pays.
En ce qui concerne l’invasion de l’Ukraine par la Russie le 24 Février 2022, Donald Trump avait déclaré pendant sa campagne électorale qu’il y mettrait fin en 24 heures. Cela n’a été malheureusement pas le cas. Pendant les premières semaines de son mandat, on a eu l’impression d’un renversement d’alliance, dans la mesure, ou le président américain a eu entretien téléphonique avec le président Poutine, et a organisé une conférence en Arabie Saoudite entre les représentants des deux pays. Cette impression a été confortée par la rencontre entre Donald Trump et Volodymir Zelenski, président de l’Ukraine, le 28 Février 2025 dans le bureau ovale de la Maison blanche, qui avait pour but la signature d’un contrat d’exploitation par les Etats-Unis des richesses ukrainiennes : minerais, pétrole et gaz. Donald Trump et son vice-président J. D Vance ont humilié le président ukrainien en lui reprochant son manque de respect envers les Etats-Unis, et en le sommant d’accepter des compromis pour mettre fin à la guerre avec la Russie, car « il n’a aucun carte en mains ». La conférence de presse qui était prévue a été annulée, le contrat sur les richesses naturelles ukrainiennes non signé, et Velensky pratiquement congédié du Bureau ovale. Cependant, le Président Trump pratique le chaud et le froid vis-à -vis de cette guerre en Ukraine, puisque le 24 Avril 2025, il a tancé le président russe sur son réseau Truth Social « Vladimir Arrête !» après une importante frappe russe sur Kiev. Le 25 Avril 2025, le président américain a annoncé également de potentielles sanctions contre la Russie. Les relations entre les deux présidents américain et ukrainien se sont largement améliorées après leur rencontre le 26 Avril 2025 au Vatican lors des funérailles du Pape François. Zelenski a déclaré que « le Président Trump commence à voir les choses un peu différemment », et qu’il a obtenu son soutien pour un cessez-le-feu de 30 jours, alors que Poutine n’a donné son accord que pour 3 jours du 8 au 10 Mai à l’occasion du « Jour de la victoire » célébré le 9 Mai à Moscou. Enfin le 30 Avril 2025, un contrat a été signé à Washington entre les Etats-Unis et l’Ukraine donnant aux Etats-Unis un accès aux minerais ukrainiens et la création d’un fonds d’investissement pour la reconstruction de l’Ukraine. Cependant cet accord n’accorde aucune garantie sécuritaire américaine à l’Ukraine.
Une autre guerre se déroule toujours à Gaza suite à l’attaque par le Hamas d’Israël le 7 Octobre 2023. Cette guerre asymétrique entre une armée structurée et puissante et un mouvement de résistance, a causé d’énormes pertes humaines et matérielles. A ce jour, les pertes israéliennes sont estimées à 1218 personnes mortes et 5431 blessés, ainsi que 58 otages israéliens toujours détenus par le Hamas. Les pertes palestiniennes sont de 52.495 morts et 125.688 blessés. La bande de Gaza est quasiment totalement détruite et n’est plus qu’un champ de ruines. Depuis le 2 Mars 2025, aucune aide humanitaire n’est entrée à Gaza depuis la fermeture par Israël de tous les points de passage, et depuis le 18 Mars les bombardements israéliens sur Gaza sont quotidiens. De plus, le 4 Mai 2025 Benyamin Netanyahu a annoncé la poursuite de la guerre, et le rappel de dizaines de milliers de réservistes israéliens. Donald Trump a toujours apporté un soutien inconditionnel à Israël. Déjà pendant son premier mandat, il avait transféré l’Ambassade des Etats-Unis de Tel Aviv à Jérusalem qu’il a reconnue comme capitale de l’Etat d’Israël, ainsi que la souveraineté d’Israël sur le plateau du Galon. Pendant le début de son second mandat il a intensifié la livraison d’armes à Israël, et le 4 Février 2025 il a proposé une idée farfelue, consistant à transformer la bande de Gaza en « Riviera du Moyen-Orient » en déplaçant les 2,4 millions de Gazaouis en Egypte et en Jordanie, et en prenant le contrôle de la bande. Les deux pays désignés, ainsi que le Sommet arabe du 4 Mars 2025 ont réfuté catégoriquement cette proposition. De plus, Donald Trump a donné son accord à Netanyahu pour son revirement concernant le plan de cessez-le-feu entré en vigueur le 19 Janvier 2025 et qui prévoyait dans sa phase 2 le retrait total de l’armée israélienne de la bande de Gaza.
En conclusion, Donald Trump qui a été largement élu à la présidence des Etats-Unis pour un second mandat, a parfaitement le droit de défendre les intérêts de son pays. Mais il doit le faire dans le cadre du droit international et de la Charte des Nations-Unies. D’ailleurs, ce sont les Etats-Unis qui ont principalement édifié l’architecture et les règles du droit international, qui ont permis d’éviter une troisième guerre mondiale pendant 70 ans (1945-2025). Alors qu’il proclame la recherche de la paix, il n’a pas réussi à résoudre ni la guerre en Ukraine ni celle de Gaza. De plus, il a proposé un budget militaire des Etats-Unis pour 2026 de 1.000 milliards de dollars soit une augmentation de 13% par rapport à 2025. Sa popularité aux Etats-Unis est en forte baisse : 55% des Américains désapprouvent son action à la présidence. Il faut espérer un changement radical de sa politique dans le reste de son mandat, d’autant plus que les élections de mi-mandat auront lieu le 3 Novembre 2026.
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