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L’après référendum
Evitons la précipitation

Par Jawad Kerdoudi


Président de l’IMRI (Institut Marocaine des Relations Internationales)

La population marocaine a répondu le 1er Juillet 2011 par un oui massif au projet de nouvelle Constitution. Selon les chiffres présentés par le Ministre de l’Intérieur et portant sur 94% de bureaux de vote, le taux de participation a été de 72,65% et le pourcentage du oui l’a emporté à 98,49%.

On ne peut que se féliciter de ces résultats, et notamment du taux élevé de participation, qui démontre le retour du peuple marocain à la politique notamment les jeunes (30% des électeurs ont moins de 35 ans). Le pourcentage plébiscitaire du oui montre de son côté l’adhésion quasi-générale au projet de nouvelle Constitution. La satisfaction est d’autant plus grande que l’évolution au Maroc après le « Printemps arabe », s’est déroulée dans le calme, sans violences ni effusion de sang. Les pays frères de Tunisie et d’Egypte se débattent toujours après leur révolution, dans une situation confuse et pleine de risques pour l’avenir, tandis que la Libye et la Syrie connaissent les affres de la guerre civile.

La Constitution de 2011 maintenant adoptée, présente des avancées incontournables par rapport à la Constitution précédente de 1996. On peut indiquer à ce sujet la consécration des fondements de l’identité marocaine plurielle et ouverte, la grande place accordée aux droits de l’homme et aux libertés individuelles et collectives, avec notamment non seulement l’égalité homme/femme, mais la recherche de la parité dans tous les domaines. La nouvelle Constitution reconnaît que la souveraineté appartient à la Nation, et que le choix démocratique est irrévocable. Elle insiste sur la séparation des pouvoirs, et renforce les pouvoirs du Parlement et du Chef de gouvernement issu des élections législatives, et érige la justice en pouvoir indépendant. Elle consacre le rôle des partis politiques et des syndicats, et reconnaît un véritable statut à l’opposition parlementaire et à la société civile. Elle constitutionnalise la régionalisation avancée, et consacre l’élection des Conseils régionaux au suffrage direct, et le droit des pétitions. Enfin elle énonce les principes forts en matière de bonne gouvernance, de moralisation de la vie publique, et d’Etat de droit économique.

Cependant, on ne peut pas dire que cette Constitution instaure une monarchie parlementaire, du fait des pouvoirs très importante conservés par le Roi. Ce dernier dont la personne est inviolable, détient des pouvoirs exclusifs en matière religieuse et militaire, et des attributions importantes dans le pouvoir exécutif. Il préside le Conseil des Ministres, qui en fait détermine et conduit la politique de l’Etat dans ses orientations stratégiques. Il nomme aux plus hautes fonctions publiques, et a même la possibilité de révoquer individuellement un ou plusieurs ministres. En outre, il peut demander au Parlement une seconde lecture des lois, et dissoudre les deux Chambres ou l’une d’elles. Enfin il préside le Conseil supérieur des Oulémas, le Conseil supérieur de sécurité, et le Conseil supérieur de pouvoir judiciaire.

En ce qui concerne l’avenir, et afin de parvenir à une monarchie parlementaire à moyen terme, il faudrait que les partis politiques se renforcent, que l’analphabétisme et la grande pauvreté soient éradiqués, et que la qualité de l’éducation s’améliore. Il faudrait reprendre également le droit à la liberté de conscience, dont le principe a été fortement attaqué par les islamistes, mais qui constitue néanmoins un droit fondamental de l’homme. A ce moment là, rien n’empêchera une nouvelle révision de la Constitution.

Maintenant que la Constitution 2011 est adoptée par le peuple, le défi est de mettre en application ses nouvelles dispositions. La première urgence doit être l’organisation des futures élections législatives, qui seront la clé de voûte de tout le système politique à venir. Il y a lieu de déterminer le mode de scrutin électoral, le découpage des circonscriptions, et les mesures à prendre pour promouvoir une majorité gouvernementale solide. Il faudrait également veiller à la transparence des élections, loin de toute influence de l’administration et de l’argent. Le rôle des partis politiques est fondamental. Afin d’assurer à l’avenir leur crédibilité, ils doivent se réorganiser, procéder au renouvellement de leurs élites, établir la démocratie interne, et proposer des programmes électoraux précis et différenciés. Les dispositions de la nouvelle Constitution de 2011 n’auront leur plein effet que si les élections législatives aboutissent à la désignation d’un gouvernement homogène, dirigé par un Chef à forte personnalité, et avec de nouvelles figures à la compétence reconnue. Sinon, la déception serait très grande, et le peuple aura l’impression que rien n’a changé malgré la nouvelle Constitution. C’est pour cela qu’il est souhaitable de ne pas précipiter les élections législatives, afin de laisser le temps à l’administration et aux partis politiques de bien les organiser, surtout que nous entrons dans une période de vacances. L’idéal serait de fixer les élections législatives en Janvier 2012.

Une fois les élections terminées, le nouveau Parlement aura une tâche immense, consistant à mettre en œuvre les 19 lois organiques prévues par la Constitution, dont l’importance est fondamentale, et qui doivent être votées durant la prochaine législature. Quant au futur Gouvernement, sa tâche sera également très lourde, avec en premier lieu les remèdes à apporter au grave déficit des finances publiques, de même qu’il doit s’atteler à la rénovation des départements ministériels défaillants de l’éducation, de la justice et de la santé.



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