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ALERTE
Casablanca se clochardise

Par Jawad Kerdoudi

Président de l’IMRI
(Institut Marocain des Relations Internationales)

Un ancien Wali avait déclaré que Casablanca serait dans le futur Barcelone ou Calcutta. Il semble bien qu’on s’achemine de plus en plus vers Calcutta plutôt que Barcelone. Les nuisances dont souffrent les Casablancais sont multiples.

On peut placer en premier lieu la circulation au Centre-ville qui devient de plus en plus chaotique : non respect des feux de signalisation, passage en sens interdit, non respect des allées piétonnières, stationnement irrégulier. La situation s’est aggravée avec la construction du Tramway qui a entraîné la fermeture de plusieurs artères de la ville. Certes ce dernier projet est positif, mais outre les désagréments qu’il cause, il va occuper une grande place dans les artères de la ville, laissant peu de surface à la circulation des voitures. D’autant plus qu’il n’est pas sûr que beaucoup de Casablancais vont abandonner leur voiture pour prendre le tramway. La solution du métro, certes plus coûteuse, aurait été plus judicieuse, car elle aurait permis de faire disparaître sous-terre une grande partie de la circulation de la métropole.


D’autres nuisances sont à signaler, comme la façade hideuse de plusieurs immeubles qui n’ont pas été blanchis ou repeints depuis des décennies. Le boulevard Mohamed V, jadis un joyau de la ville, est devenu méconnaissable et disgracieux. En plein de ce boulevard, l’Hôtel Lincoln en ruines, ajoute à la désolation de cette artère anciennement prestigieuse. Presque à tous les ronds-points, on rencontre des mendiants et des handicapés qui demandent l’aumône, profitant de l’arrêt des voitures aux feux rouges, et gênant la circulation. Depuis le printemps arabe, les marchands ambulants se sont multipliés partout dans la ville, et bénéficient du laxisme des autorités. L’air de la ville est de plus en plus vicié par les émanations des usines et des véhicules, surtout les autobus et les grands taxis, dégageant des fumées noires. Enfin la ville souffre cruellement d’absence d’espaces verts.


Casablanca, pourtant la plus riche ville du pays, est bien moins lotie que d’autres villes du Royaume qui ont fait de gros efforts ces dernières années. On peut citer Fès, avec un boulevard Mohamed V complètement réaménagé et embelli, des rues propres et des fontaines à l’eau jaillissante. On peut citer également Agadir, Rabat et Tanger. Sans parler des villes européennes proches comme Bordeaux, Madrid, ou Marseille. Ces villes que j’ai visitées dernièrement, ont fait des progrès considérables en matière de circulation, aménagement, embellissement Madrid particulièrement, qui est de la même importance que Casablanca, dispose d’un métro et de bus d’une propreté remarquable, et de larges avenues qui drainent une circulation apaisée.


Les causes de la situation actuelle de la ville de Casablanca sont multiplies. Sans vouloir incriminer telle ou telle personne, il faut revoir entièrement l’organisation de la ville. Une étude approfondie doit être entreprise par des Cabinets spécialisés ayant une expérience internationale, concernant les pouvoirs et les relations entre les institutions qui gèrent la ville : la Wilaya, le Conseil de la région, le Conseil de la communauté urbaine, et le Conseil préfectoral. Il faut répondre à la question qui fait quoi ? Il faut identifier les causes des dysfonctionnements et leur trouver des solutions. Un soin tout particulier doit être accordé au Conseil de la commune urbaine qui souffre le plus de problèmes. En effet, il n’a pas pu se réunir durant les trois dernières sessions de Février, Avril et Juillet 2011, du fait des rivalités partisanes. Lorsqu’il arrive à se réunir, les sessions se déroulent dans la plus grande confusion, en arrivant même aux mains. Dernièrement un conseiller est sorti en civière de la salle du Conseil. Ce n’est pas digne de notre pays. Certes pour être juste, le Conseil de la commune urbaine a fait quelques réalisations, comme le réaménagement et l’embellissement de la corniche et de certains boulevards, ainsi que la réouverture récente du parc de l’Ermitage. Mais ces réalisations sont nettement insuffisantes pour une grande métropole comme Casablanca. Quant aux problèmes sociaux de Casablanca : mendiants, handicapés, vendeurs ambulants, il faut leur trouver des solutions qui puissent leur procurer un revenu décent et préserver leur dignité.


Le Maroc après l’adoption de la nouvelle Constitution le 1er Juillet 2011 qui suscite de grands espoirs, est entrain de revoir le système électoral des prochaines élections législatives. Il serait opportun de revoir également le mode de scrutin des élections locales, afin que le maire élu des villes, puisse disposer d’une majorité au sein du Conseil de la commune urbaine, à même de lui permettre de remplir efficacement son mandat. Tous les Casablancais : autorités, élus, et société civile, doivent conjuguer leurs efforts pour redonner à notre ville un nouveau départ, y compris les étrangers résidents, qui d’après la nouvelle Constitution auront le droit de voter aux élections municipales.



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