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Le Sommet des BRICS au Brésil
Rio de Janeiro (6-7 Juillet 2025)
Quels résultats ?

Par Jawad KERDOUDI
Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)

Rappelons tout d’abord que c’est en 2009 que les BRICS ont été créés, un groupe de pays qui se réunit en Sommet annuellement. Ce groupe était composé du Brésil, Russie, Inde et Chine. Il fût rejoint en 2011 par l’Afrique du Sud sous une nouvelle appellation BRICS. En 2024, il fût rejoint par les Emirats Arabes Unis, l’Egypte, L’Ethiopie, l’Iran, et en 2025 par l’Indonésie sous l’appellation BRICS+. Sous cette nouvelle composition, le groupe représente 50% de la population mondiale et 40% du PIB mondial. Le cas de l’Arabie saoudite est particulier. Invité à adhérer aux BRICS en 2023, elle n’a pas concrétisé son adhésion en 2024, et a participé au Sommet de 2025 en tant que partenaire. Les autres partenaires des BRICS+ sont : la Biélorussie, la Bolivie, Cuba, le Kazakhstan, la Malaisie, la Thaïlande, l’Ouganda, et l’Ouzbékistan. Ils ont été rejoints en 2025 par le Nigeria et le Vietnam. Le groupe des BRICS+ a été créé pour rivaliser avec le G7 : Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Italie, Japon, Royaume-Uni et l’Union européenne. Le G7 représente 10% de la population mondiale et 44% du PIB mondial.

Le but des BRICS est le désir d’un nouvel ordre mondial plus multipolaire et mieux équilibré, pour la Chine et la Russie un instrument géopolitique, et pour les autres membres du groupe une opportunité économique. L’autre objectif, est de trouver des moyens pour réformer les institutions internationales financières, telles que le FMI et la Banque mondiale, afin de permettre aux économies émergentes de mieux se faire entendre sur la scène internationale, et d’être mieux représentées. Dans ce but, les BRICS ont créé en 2015 à Shanghai en Chine la Nouvelle Banque de développement (NBD) pour financer des projets d’infrastructures et de développement durable dans les pays membres et d’autres économies émergentes. Elle offre aussi un financement alternatif aux institutions multilatérales financières basées à Washington. En 2023, elle a commencé à émettre des obligations vertes pour financer des projets d’infrastructures durables. En outre, le Sommet des BRICS qui s’est tenu en 2024 à Kazan en Russie, a insisté sur la réduction de la dépendance au dollar américain dans le commerce international au profit des monnaies locales.
Le 17ème Sommet des BRICS+ s’est déroulé les 6 et 7 Juillet 2025 à Rio de Janeiro au Brésil. Plusieurs Chefs d’État n’étaient pas présents à ce Sommet : le Président chinois Xi Jinping représenté par son Premier ministre, le Président russe Vladimir Poutine représenté par son ministre des Affaires étrangères. Les autres chefs d’État d’Arabie Saoudite, des Emirats Arabes Unis, et de l’Egypte n’étaient également pas présents. Plusieurs points étaient à l’ordre du jour : la coopération mondiale, l’investissement et la finance, le changement climatique, le rétablissement de la paix et de la sécurité dans le monde, le développement institutionnel, et la gouvernance de l’intelligence artificielle (IA).
Le Président Lula du Brésil a déclaré d’emblée « Nous assistons à l’effondrement sans précédent du multilatéralisme. Nous connaissons actuellement le scénario mondial le plus défavorable ». Il a ajouté « La gouvernance mondiale ne reflète plus la réalité multipolaire du XXI siècle, les BRICS veulent contribuer à sa rénovation ». De son côté, le Premier ministre chinois a déclaré « Le bloc des BRICS ne cherche pas la confrontation, les guerres commerciales et tarifaires ne font pas de gagnants, le protectionnisme ne permet pas d’avancer, les BRICS sont pour l’ouverture, l’inclusion et la coopération gagnant-gagnant, la Chine est prête à négocier avec les Etats-Unis pour parvenir à un accord commercial ». En visioconférence, le Président Vladimir Poutine s’est adressé au Sommet en déclarant que les BRICS en termes de parité de pouvoir d’achat surpassent le G7 sur le plan économique, et leur agenda unificateur connait un succès mondial. Les règlements en monnaie nationale entre les membres du groupe se développent. Des progrès sont réalisés dans la création d’une bourse céréalière, d’une plateforme logistique permanente, et d’une coopération sportive. Le monde est en proie à des changements profonds, et le système unipolaire devient progressivement une chose du passé. Enfin le modèle de mondialisation libéral est en train de devenir obsolète.
Dans la Déclaration commune du Sommet Rio de Janeiro, les BRICS prennent la défense ferme du multilatéralisme, et condamnent les guerres et le recours aux sanctions et taxes douanières, comme instruments politiques. Ils condamnent également les attaques contre l’Iran, et critiquent Israël pour la guerre en cours à Gaza. Ils mentionnent que l’utilisation de la faim comme arme de guerre est illégale, et appellent à la libération de tous les otages. Par contre, ils ne mentionnent pas la guerre en Ukraine déclenchée par la Russie en 2022.
Cette Déclaration très modérée contraste avec celle du Sommet des BRICS qui avait eu lieu en 2024 à Kazan en Russie. Dans la Déclaration commune, aucune référence n’est faite explicitement aux Etats-Unis et à Donald Trump. Ce dernier avait menacé que tout pays s’alignant sur les politiques anti-américaines des BRICS, se verra imposer une surtaxe de 10% au niveau des droits de douane, et ce sans exception. La Déclaration du Sommet ne revient pas sur la réduction du dollar dans les transactions commerciales internationales. Cette modération s’explique d’abord par l’absence des chefs d’État des deux grands pays fondateurs : la Chine et la Russie, et celle des dirigeants du Moyen-Orient. D’autre part l’élargissement à 10 membres intensifie les divisions au sein du Groupe. Beaucoup de pays membres pratiquent d’ailleurs le « multi-alignement », c'est-à-dire qu’ils tentent d’avoir de bonnes relations tant avec les BRICS et qu’avec l’Occident, et surtout les Etats-Unis. C’est le cas du Brésil, de l’Inde, de l’Afrique du Sud, de l’Egypte, des Emirats Arabes Unis, de l’Indonésie et de l’Ethiopie. En fait surtout pour les cinq derniers, l’adhésion au BRICS permet de renforcer leur situation géopolitique, et de bénéficier des prêts de la Nouvelle Banque de Développement de Shanghai. Presque tous tentent d’ailleurs de conclure des accords commerciaux avec les Etats-Unis, pour ne pas subir les foudres de Donald Trump.
En conclusion, alors que l’idée d’un monde plus équilibré, plus ouvert, venant en aide aux pays les plus défavorisés est louable, force de constater que pour le moment, la puissance économique et militaire des Etats-Unis sous la présidence de Donald Trump ne laisse présager aucun changement dans le monde notamment à court ou moyen terme. D’ailleurs suite à l’attaque par les Etats-Unis de l’Iran, pays membre des BRICS, la réaction de la Chine et de la Russie fût très modérée, sans aucun acte de riposte concret.

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