Visite de Martine Aubry au Maroc
Les propositions du parti socialiste
Par Jawad Kerdoudi Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)
J’ai eu le plaisir de participer à la réunion tenue à Casablanca le 11 Mars 2012 par Martine Aubry, Première secrétaire du Parti socialiste français. J’ai pu admirer le talent de cette femme politique chevillée dans ses convictions, et pétrie de générosité. Elle est venue au Maroc principalement pour présenter le programme du parti socialiste français, à la veille des élections présidentielles françaises des 22 Avril et 6 Mai 2012. Sans revenir sur les 60 engagements du candidat François Hollande, je voudrais mettre en exergue les propositions qui le différencient de son principal rival Nicolas Sarkozy, et relever celles qui intéressent plus particulièrement notre pays le Maroc.
L’orientation générale du parti socialiste français vise principalement à renforcer le rôle de l’Etat, à promouvoir les classes les plus défavorisées, et à appréhender l’étranger avec beaucoup d’humanité. C’est ainsi qu’il propose la création d’une banque publique d’investissements consacrée principalement au développement des PME, et la préservation du statut public des entreprises détenues majoritairement par l’Etat telles que EDF, SNCF, la Poste etc. Sans vouloir nationaliser les banques, il propose de séparer les activités qui sont utiles à l’investissement et à l’emploi, des opérations purement spéculatives. Il veut interdire aux banques d’exercer dans les paradis fiscaux, mettre fin aux produits financiers toxiques, supprimer les stocks-options, et encadrer les bonus. Dans le même ordre d’idées, il propose de stopper la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, et de recruter 60.000 agents supplémentaires pour l’éducation dans les cinq années à venir.
Afin d’assurer un meilleur équilibre de la société française et lutter contre les inégalités sociales, il compte engager une profonde réforme fiscale. La première mesure consisterait à garantir une rémunération du livre A d’épargne populaire supérieure à l’inflation, et à plafonner le coût des services bancaires. Le candidat socialiste veut revenir sur les cadeaux fiscaux et les « niches fiscales » qui permettront de dégager 29 milliards d’euros de recettes supplémentaires pour le budget de l’Etat. Les plus riches des Français seront plus imposés par la création d’une taxe supplémentaire de 45% sur le revenu supplémentaire à 150.000 euros par part. A été ajouté hors programme la proposition de taxer à 75% les revenus supérieures à 1 million d’euros par an. Les niches fiscales qui resteront seront plafonnées à 10.000 euros. L’impôt sur la fortune sera également augmenté, et l’abattement sur les successions ramené à 100.000 euros par enfant. D’autre part, le programme socialiste prévoit une augmentation de 15% de l’imposition des bénéfices des banques, la création d’une taxe sur les transactions financières, et d’une agence européenne de notation. Afin de privilégier la croissance plutôt que l’austérité, il propose de renégocier le Traité européen issu de l’Accord du 9 Décembre 2011, et de créer des Euro-obligations. Afin de diminuer la concurrence déloyale notamment vis-à-vis des pays asiatiques, il propose de fixer des règles strictes de réciprocité en matière sociale et environnementale, et de créer une contribution climat énergie aux frontières de l’Europe.
Le programme socialiste accorde une place importante au volet social, afin de promouvoir les classes sociales les plus défavorisées et réduire les inégalités sociales. C’est ainsi qu’il propose l’augmentation de 25% de l’allocation de rentrée scolaire, le départ à la retraite à l’âge de 60 ans de tous ceux qui auront cotisé la totalité de leurs annuités, ainsi qu’une vaste réforme de la dépendance. Grande défenseur des services publics, le candidat socialiste propose de revoir la tarification des soins médicaux fournis par les hôpitaux, la baisse des prix des médicaments, et une assistance médicalisée pour terminer la vie dans la dignité. Pour ce qui est du logement, il propose l’encadrement des loyers, la construction pendant la quinquennat le 2,5 millions de logements avec une priorité accordée au logements sociaux, et la mise à disposition gratuite des terrains de l’Etat aux collectivités locales.
Des mesures également sont prévues pour lutter contre la précarité du travail, pour imposer l’égalité des rémunérations entre les femmes et les hommes, et pour fixer l’écart maximal de 1 à 20 des rémunérations dans les entreprises publiques. Dans le même ordre idée, et afin d’améliorer la cohésion sociale, il est prévu d’accorder le droit de vote aux étrangers pour les élections locales, de lutter contre le « délit de faciès » dans les contrôles d’identité, contre toute discrimination à l’embauche et au logement, et contre le racisme et l’antisémitisme. Des dispositions importantes sont proposées pour combattre le chômage des jeunes : contrat de génération, création de 150.000 emplois d’avenir, formation professionnelle. En matière environnementale, le programme socialiste propose la réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité de 75% à 50% à l’horizon 2025, l’isolation thermique de 1 million de logements par an, et la mise en place d’une Organisation mondiale de l’environnement.
En politique étrangère, le programme du parti socialiste propose d’œuvrer pour la réforme du Conseil de sécurité de l’ONU, de développer les relations de la France avec la rive sud de la Méditerranée, de rompre avec la « Françafrique », de retirer avant fin 2012 les troupes françaises d’Afghanistan, et de soutenir la reconnaissance internationale de l’Etat palestinien. En conclusion, et sans vouloir s’immiscer dans la politique intérieure française, car il appartient aux Français d’élire leur Président, on ne peut qu’être sensible aux propositions du programme socialiste de réduire les inégalités sociales, d’améliorer la cohésion sociale, de traiter avec humanité les étrangers, et de soutenir plus activement la cause palestinienne. D’autant plus que Martine Aubry a déclaré pendant sa visite au Maroc, que le parti socialiste a toujours appuyé l’initiative marocaine d’autonomie au Sahara et qu’il continuera à le faire s’il est au pouvoir.
CHRONIQUES HEBDOMADAIRES DE l'IMRI