La Talibanisation du Pakistan
Une menace pour toute l’Asie du Sud
Par Jawad Kerdoudi Président de l’IMRI « Institut Marocain des Relations Internationales »
Le 22 Avril 2009, les Talibans ont conquis le district de Buner qui se trouve au Nord-Ouest du Pakistan. Cette conquête fait suite à l’Accord du 16 Février 2009, ratifiée le 13 Avril 2009, entre le Président pakistanais Ali Zardari et le Chef des combattants talibans Sufi Mohammed, par lequel la Charia (loi islamique) est rétablie dans la région de Makaland (Nord-Ouest du Pakistan).
Rappelons que les Talibans (de Taleb : étudiant de l’école coranique madrassa) est un mouvement fondamentaliste musulman, originaire de l’Inde, et qui s’est répandu en 1994 au Pakistan et en Afghanistan. C’est un mouvement qui a pour objectif de réislamiser les mœurs, la justice, les êtres humains dans leur vie publique et privée. Les Talibans ont pris le pouvoir en Afghanistan de 1996 à 2001. Ils ont mis en œuvre leur doctrine, basée sur un respect strict et littéral d’une certaine vision de l’Islam, particulièrement rigoriste. C’est ainsi que furent interdits le théâtre, le cinéma, la télévision, et la possession d’appareils photographiques et magnétoscopes. Au nom de l’iconoclasme, les Talibans dynamitèrent les statues de bouddhas géants de Bamiyan, vieilles de quinze siècles. Les Talibans étaient également opposés à la musique, à la danse et à certains sports. Plus grave encore, la condition des femmes a subi plusieurs atteintes. C’est ainsi qu’elles étaient exclues du marché du travail, et devaient porter le vêtement traditionnel « la Burqa », tandis que l’enseignement secondaire était interdit aux filles. Les hommes quant à eux, devaient porter la barbe. En Novembre 2001, il fût mis fin au régime des Talibans en Afghanistan, suite aux attentats du 11 Septembre 2001.
L’avancée des Talibans au Pakistan fait courir un risque pour le pays lui-même, mais aussi pour toute la région de l’Asie du Sud, et pour le monde entier. En effet, le leader du mouvement pro-taliban Sufi Mohammed a déclaré que son projet était d’appliquer la Charia sur l’ensemble du Pakistan, et qu’il considérait la démocratie comme « non islamique ». La réaction du gouvernement d’Islamabad a été molle jusqu’à maintenant, et a entrainé la stupéfaction des pakistanais modérés. Hillary Clinton de son côté, a estimé que « le gouvernement pakistanais est entrain d’abdiquer devant les talibans et les extrémistes ». Les Etats-Unis craignent en effet la déstabilisation du Pakistan, qui est leur allié clé dans la lutte contre le terrorisme depuis 2001. Toute la région de l’Asie du Sud risque d’être déstabilisée, si le régime actuel pakistanais tombe. Ceci d’autant plus que les Etats-Unis sont parvenus à la conclusion que la paix ne pourra pas être instaurée en Afghanistan, sans un Pakistan stable. Le Président Obama en est très conscient, puisqu’il a décidé de concentrer tout l’effort des Etats-Unis sur l’Afghanistan et le Pakistan, en doublant la pression militaire par des programmes civils, tendant au développement économique et social de ces deux pays. Le risque de déstabilisation du Pakistan est aussi mondial, car ce dernier pays dispose de l’arme nucléaire.
Aussi, dans l’intérêt du Pakistan, de la région, et du monde, le gouvernement pakistanais doit réagir vigoureusement, avant que ce ne soit pas trop tard. Les Etats-Unis et l’Europe doivent apporter une aide militaire et financière substantielle au Pakistan, pour lui permettre de réagir énergiquement. L’OCI (Organisation de la Conférence Islamique) dont fait partie le Pakistan, ne doit pas rester passive, afin de préserver la stabilité de ce grand pays musulman. Sur un plan plus général, la communauté musulmane doit réagir contre les mouvements extrémistes, qui tentent de promouvoir une vision déformée de l’Islam. Il y va de la stabilité de nos pays et de l’avenir de nos enfants.
CHRONIQUES HEBDOMADAIRES DE l'IMRI