RAPPORT
Les Expériences étrangères et marocaines de Régionalisation
Quelles recommandations ?
Institut Marocain des Relations Internationales
Ce Rapport a été publié avec le concours de la Fondation Hans Seidel
PREAMBULE
IMRI :
Créé en 2003 sous forme d’Association à but non lucratif, l’Institut Marocain des Relations Internationales, dont le siège est à Casablanca, a pour vocation l’étude et la recherche en matière de relations internationales. De part ses activités, l’objectif principal de l’IMRI est de promouvoir le thème et la problématique des relations internationales à l’intérieur du pays. Il se fixe également pour objectifs de valoriser l’image du Maroc à l’étranger, et de contribuer au développement politique économique et social du Maroc. Les moyens d’action de l’IMRI sont une chronique hebdomadaire axée sur les relations internationales, qui est largement diffusée à l’intérieur et à l’extérieur du Maroc notamment à travers son site web www.imri.ma. Les autres moyens d’action sont les conférences-débats, les publications et les missions économiques à l’étranger. L’IMRI est enfin l’interface au Maroc des Instituts étrangers de même type qui existent sur les cinq continents de la planète.
Rapport sur les expériences marocaines et étrangères de régionalisation
Suite au Discours Royal du 6 Novembre 2008 annonçant « le lancement d’une dynamique de régionalisation avancée et graduelle », l’IMRI a constitué en Mars 2009 en son sein, un Groupe de Travail qui s’est penché sur les expériences étrangères et marocaines de régionalisation. Certes comme l’a annoncé le Souverain, le projet marocain de régionalisation avancée ne doit pas « sombrer dans le mimétisme ou la reproduction à la lettre des expériences étrangères » et doit tenir compte impérativement des spécificités de notre pays. Mais cependant, nous avons pensé qu’il est toujours utile de se pencher sur les expériences de régionalisation des autres pays, pour retenir ce qui est valable pour le Maroc, et ne pas prendre en considération ce qui ne l’est pas. Nous avons choisi les pays suivants : Allemagne, Espagne, France, vu la proximité historique et géographique avec ces pays, tout en donnant un aperçu de l’expérience marocaine de régionalisation à ce jour.
L’IMRI espère que ce rapport contribuera modestement au travail, que doit élaborer la Commission Consultative de la Régionalisation, qui a été officiellement instituée par Sa Majesté Le Roi le 3 Janvier 2010, et qui doit fournir ses conclusions à la fin de cette année.
Membres du Groupe de Travail :
KERDOUDI Jawad : Coordinateur et Rapporteur
AFANE Mohamed
AMEHMOUL Said
BENAMI Youssef
BENDI Fouad
BENJELLOUN Abdelmajid
BENNIS Bennani Yasmine
CHERKAOUI Aziz
CHRAIBI Nacer
FEKKAK Abdelatif
HARAKAT Jamal Eddine
HASNAOUI Chaoui Omar
KALAÏ Tlamsani Najib
KOUNDA Abderrahim
LAMRANI Moulay Ahmed
OUALALOU Abdelhafid
TADA Hamid
L’expérience allemande de régionalisation
L’Allemagne est un Etat fédéral composé depuis 1990 de 16 Länder dont trois villes à statut d’Etat : Berlin, Brême et Hambourg. Selon la Loi fondamentale, les Länder doivent adopter un régime constitutionnel conforme aux principes d’un « Etat républicain, démocratique et social ». La Loi fondamentale précise également que le fédéralisme est un principe intangible de l’ordre constitutionnel allemand non susceptible de révision. La Fédération (Bund) et les Länder sont des Etats. C’est ainsi que les Länder disposent d’une constitution, d’un parlement et d’un gouvernement. Ils exercent le pouvoir judiciaire dans les matières qui ne sont pas de la compétence législative fédérale. Ils sont également chargés d’exécuter les lois fédérales. L’administration des Länder est plus importante en effectifs que l’administration fédérale. Du fait de la complexité des matières, la compétence législative des Länder a connu une érosion régulière, tandis que leur compétence administrative s’est accrue. Outre leurs compétences propres, les Länder participent à la politique comme à la législation fédérale à travers le Bundesrat, qui est le Conseil des Représentants des gouvernements des Länder. Chaque Land dispose au Bundesrat de trois à six voix selon son importance démographique. Les Länder participent au Comité interministériel de la Fédération, en vue d’harmoniser les politiques et les conditions d’application.
Les Länder ont une importance diversifiée : celui de Rhénanie-Nord- Westphalie regroupe 17 millions d’habitants, tandis que celui de Brême ne compte que 800.000 habitants. L’organisation administrative territoriale allemande est structurée en länder, arrondissements et communes, et soumise à certaines prescriptions. C’est ainsi que les arrondissements et communes sont dotés de Conseils élus au suffrage direct. Toutes les collectivités locales jouissent de la libre administration, et notamment de l’autonomie financière. C’est la Loi fondamentale qui définit les impôts attribués aux communes. Enfin dans les grands Länder, il existe une certaine déconcentration administrative : quatre circonscriptions en moyenne par Land. Pour arbitrer les litiges, la Cour constitutionnelle fédérale dispose de plusieurs compétences. C’est ainsi qu’elle juge de la compatibilité du droit d’un Land avec la loi fondamentale, ou le droit fédéral, ou tout litige de droit public. Elle est compétente également pour les litiges entre la Fédération et les Länder. Vis-à-vis de la Communauté européenne, les Länder se considèrent comme des régions à part entière, et désignent 21 des 24 membres allemands du Comité des Régions. Cependant, une contestation existe de la part des communes quant à la prétention des Länder à représenter leurs intérêts au niveau européen.
Les institutions régionales répondent à certains critères qui sont valables pour tous les Länder. C’est ainsi qu’elles doivent assurer un régime parlementaire proche de celui établi au niveau fédéral. Elle ne doivent pas désigner de Chef d’Etat, et peuvent disposer d’une Cour constitutionnelle du Land, d’une Cour des comptes, et d’une administration dotée de ministères bénéficiant d’une autonomie fonctionnelle, dans les limites de leurs compétences, comme au niveau fédéral. La tâche principale des institutions régionales est d’élaborer une planification spatiale, en collaboration avec les autres collectivités locales. L’organisation de cette planification prend plusieurs formes selon l’importance du Land, les régions urbaines et les zones très urbanisées.
Au niveau des compétences, celles des Länder résultent de la Loi fondamentale. Les compétences des institutions régionales des Länder résultent de la loi du Land. La règle fédérale est que les Länder exercent toutes les compétences de l’Etat, dans la mesure où la loi fondamentale n’en dispose pas autrement. En matière législative, la Loi fondamentale définit les compétences exclusives de la Fédération : politique étrangère, défense, politique monétaire, trafic aérien et une partie du droit fiscal. C’est ainsi que l’Administration fédérale ne comprend que les Affaires étrangères, la Douane, l’Armée, la protection des frontières et les services de placement. La Loi fondamentale définit également les matières à compétence concurrente, mais dans lesquelles les Länder ne peuvent légiférer que dans la mesure où la Fédération ne légifère pas. En pratique, les compétences des Länder couvrent les matières suivantes : organisation administrative, régime des collectivités locales, aménagement du territoire, développement économique régional, enseignement et formation professionnelle, culture, santé publique, aide sociale, transports. Il existe en outre des missions communes de la Fédération et des Länder : la compétence d’exécution demeure aux Länder, mais elles donnent lieu à un co-financement de la Fédération et à une programmation commune. Elles concernant : les constructions universitaires, l’amélioration de la structure régionale de l’économie, la planification de l’enseignement et le développement de centres et de projets de recherche de dimension suprarégionale.
Sur le plan des finances, les dépenses totales budgétaires des Länder sont supérieures à celles de la Fédération. Elles sont également supérieures à celles des collectivités locales et de leurs groupements. Les dépenses d’investissement représentent 16,3% des dépenses des Länder, dont un quart correspond à des investissements directs, et le reste à des transferts à d’autres administrations et à des bénéficiaires hors du secteur des administrations. Un tiers des dépenses courantes est également consacré à des transferts. Les revenus des Länder proviennent seulement à hauteur de 9% de la fiscalité propre, le reste provient de la participation au produit d’impôts communs de la Fédération et des Länder. Ceci part de la volonté d’assurer l’unité du marché allemand et d’éviter les distorsions. Les Länder perçoivent l’impôt sur les sociétés et l’impôt sur les revenus des personnes physiques, mais en reversent la moitié du produit à la Fédération. En ce qui concerne la TVA, la part des Länder est de 49,5% : les trois quart sont attribués en fonction du nombre d’habitants, et un quart en plus en fonction du potentiel fiscal. La TVA est ainsi un support important de péréquation horizontale entre les Länder, principalement au profit des Länder de l’Est. Les Länder sont tenus par la Loi fondamentale de redistribuer aux collectivités locales une part des produits des impôts communs qu’ils perçoivent : Ce pourcentage varie d’un Land à l’autre (23% en Rhénanie Nord-Westphalie, 11% en Bavière).
L’intégration européenne a eu une influence importante sur la façon d’aborder la question régionale en Allemagne. Les Länder ont beaucoup contribué à populariser le thème de « L’Europe des régions », et ont poussé très loin le principe de « subsidiarité » en compétences communautaires à leur profit. Les Länder ont obtenu également une participation importante à la politique européenne de l’Allemagne. De leur côté, les autres collectivités locales et notamment les villes, se sont emparées du thème de la région pour revendiquer d’avantage d’autonomie par rapport au pouvoir des Länder. L’organisation territoriale de l’Allemagne se compose de 16 Länder, 17.743 communes et 439 arrondissements. Les dépenses totales des Länder représentent 13,2% de leur PIB, alors que les ressources fiscales propres ne représentent que 1% de leur PIB, et que les dépenses d’investissement représentent 16% des dépenses totales.
Evaluation du système allemand de régionalisation :
Feu Sa Majesté le Roi Hassan II évoquait avec admiration le système allemand de régionalisation. C’est ainsi que dans une interview au journal « Le Monde » le 03/08/1988 il avait déclaré « J’ai toujours dit depuis le début de mon règne, que je souhaiterai laisser à mon successeur un Maroc bâti à l’exemple des Länder allemands, car mon pays a une telle diversité que je ne veux pas l’émasculer ».
Certes, le système allemand de régionalisation présente des aspects positifs dont le Maroc pourrait s’inspirer. Mais l’Allemagne a longtemps constitué le socle de plusieurs Etats plus ou moins autonomes, conscients de leur propre histoire, culture et affiliation religieuse. Elle n’est devenue un pays unifié qu’en 1871 grâce à la volonté du Chancelier Bismarck. Actuellement, elle est une république fédérale constitué de 16 Etat fédérés, disposent chacun d’une constitution, d’un parlement et d’un gouvernement. De plus la mentalité allemande a été façonnée de longue date par le fédéralisme. Aussi, il nous semble à priori difficile de transposer au Maroc le système allemand de régionalisation.
L’expérience espagnole de régionalisation
L’organisation régionale de l’Espagne est hétérogène. D’après la Constitution de 1978, elle est constituée de communes, provinces et communautés autonomes. Actuellement, il existe 8082 communes, 50 provinces, et 16 communautés autonomes. L’Etat espagnol est une voie intermédiaire entre un Etat unitaire classique et un Etat fédéral. La Constitution de 1978 insiste sur « L’unité indissoluble de la nation espagnole » mais reconnaît le droit à l’autonomie des nationalités et des régions qui la composent. Dès la IIème République, trois communautés bénéficient déjà du statut d’autonomie : la Catalogne, le Pays Basque et la Galice. La Constitution de 1978 a donné le droit à ces trois communautés d’accéder à des compétences plus larges, de même qu’elle ouvre également pour les autres communautés autonomes un processus d’autodétermination à l’intérieur des collectivités locales. L’hétérogénéité des statuts des régions d’Espagne est dûe aux situations historiques, et aux diverses modalités de formation des communautés autonomes permises par la Constitution. On peut classer les communautés autonomes en trois catégories : le caractère uniprovincial ou multiprovincial, l’accès à la liste maximale des compétences (art. 151) ou régime commun (art. 148), enfin le bénéfice du système foral (droit d’établir et de percevoir des impôts et taxes).
Les communautés autonomes exercent un pouvoir législatif dans les limites de leur compétence. Les institutions et les compétences des communautés autonomes sont définies par un statut approuvé par les Cortes. Concernant le régime foral, le pouvoir fiscal appartient à l’autorité régionale, qui reverse à l’Etat le montant nécessaire au financement des charges qui ne sont pas assurées par la communauté autonome, sur la base d’un accord qui fait l’objet d’un loi. Seules trois régions bénéficient du régime foral : les Iles Canaries, la Navarre, et le pays Basque. Les rapports entre l’Etat et les communautés autonomes donnent lieu à des conventions et la mise en place de conférences sectorielles. Les communautés autonomes ne peuvent former des fédérations, mais elles peuvent passer entre elles des accords de coopération ponctuelle. Le Tribunal constitutionnel veille au respect de l’équilibre établi par la Constitution entre l’Etat et les communautés autonomes. Il protège aussi le droit des collectivités locales face aux communautés autonomes, conformément à le Constitution qui garantit l’existence et l’autonomie des provinces et des communes. Le gouvernement central nomme un Délégué dans la communauté autonome, chargé de représenter l’Etat et de diriger l’administration de l’Etat sur le territoire de la communauté autonome.
Le cadre général des institutions des communautés autonomes est fixé dans la Constitution par l’art 152 d’une manière beaucoup plus précise pour les communautés autonomes historiques et celles de l’article 151, que pour les autres. C’est ainsi que cet article 152 permet l’élection d’une Assemblée législative à la proportionnelle représentative des différents territoires, un Conseil de gouvernement, et un Président élu en son sein par l’Assemblée, et nommé par le Roi. Le Président est chargé de diriger le Conseil du gouvernement, et il est responsable de même que celui-ci devant l’Assemblée. Il est prévu également l’institution d’un Tribunal de justice qui est la plus haute juridiction judiciaire de la communauté autonome. Bien que ces exigences ne s’imposent pas aux autres communautés autonomes, leurs statuts les ont souvent adoptées, et la compétence législative de leur Assemblée a été très vite admise par le Tribunal constitutionnel. Cela permettait d’affirmer le caractère politique de leur autonomie, par opposition au caractère administratif de l’autonomie des collectivités locales.
Les compétences des différentes institutions de l’Etat sont définies par la Constitution de 1978. L’Article 149 définit les compétences exclusives de l’Etat qui sont de deux ordres principaux : les fonctions de souveraineté, et celles qui concernent plusieurs territoires de l’Etat. Sont également de la compétence exclusive de l’Etat toutes les fonctions déléguées aux communautés autonomes, mais qui ont un intérêt national. L’Article 148 définit le régime commun des compétences des communautés autonomes. Le principe fondamental est que tout ce qui est d’intérêt local et qui se situe sur le territoire de la communauté autonome, est du ressort de cette dernière. On peut citer à titre d’exemple : l’organisation des institutions du gouvernement autonome, l’aménagement du territoire, l’urbanisme, le logement, les travaux publics, les transports, les secteurs économiques, les ressources naturelles, la culture, la recherche, le sport, l’assistance sociale, la santé et l’hygiène. Le régime de compétence des communautés autonomes concerne ainsi une grande diversité et prend l’aspect d’une « régionalisation à la carte ».
Sur le plan financier, l’hétérogénéité des compétences se reflète dans les budgets des communautés autonomes. Cinq communautés autonomes se partagent la part du lion : Andalousie, Iles Canaries, Catalogne, Galice, Valence. Les ressources des communautés autonomes, sauf celles qui bénéficient du régime foral, proviennent pour les deux tiers des transferts de l’Etat sous différentes formes : dotations, participation aux recettes de l’Etat. Depuis 1997, les communautés autonomes conservent une quote-part de 30% de l’impôt sur le revenu acquitté sur leur territoire. Sur les impôts cédés et la participation au produit de l’impôt sur le revenu des personnes physiques, les communautés autonomes ont le pouvoir d’intervenir sur la base et de varier les taux. Cependant la fiscalité propre régionale ne représente pas plus de 1% des ressources. Enfin la participation aux recettes de l’Etat et le Fonds de compensation inter-territoriale opèrent une péréquation entre les régions riches et les régions pauvres. L’intégration européenne a soutenu le développement des autonomies régionales en Espagne. Elle a apporté des ressources considérables pour le développement et l’équipement des régions les plus pauvres. L’Europe est aussi un recours pour certaines communautés autonomes de tenter de s’émanciper de l’Espagne.
Evaluation du système espagnol de régionalisation
L’Espagne est un bon exemple de régionalisation pour le Maroc, dans la mesure où elle se définit comme un Etat intermédiaire entre un Etat unitaire classique et un Etat fédéral. L’exemple de l’Espagne permettra au Maroc d’accorder un statut d’autonomie plus large aux Provinces sahariennes qu’aux autres provinces, à l’exemple des communautés historiques espagnoles : Catalogne, Pays-Basque, Galice.
Cependant, il faudra se prémunir contre le risque d’élargissement des pouvoirs souhaités par ces trois communautés autonomes espagnoles. C’est ainsi que la Catalogne a obtenu en 2006 des Cortes un statut privilégié. Ce nouveau statut a fait l’objet d’un recours devant le Tribunal constitutionnel. Ce dernier a rendu un arrêt fin Juin 2010 estimant que le terme « Nation » pour la Catalogne n’avait pas de valeur juridique. L’arrêt a rejeté également le caractère préférentiel de la langue catalane sur l’espagnol. Enfin, il a écarté l’émergence d’une autonomie de tutelle régionale pour la justice.
La leçon à tirer de cet exemple est que la future législation marocaine concernant la régionalisation doit être suffisamment précise pour éviter tout dérapage de ce type.
L’expérience française de régionalisation
La France se définit comme un Etat unitaire décentralisé, impliquant l’indivisibilité de la République, mais reconnaissant la libre administration des collectivités locales. La Constitution française de 1946 subdivise les collectivités territoriales en communes, départements et territoires d’outre-mer. Ce n’est qu’en 1982 (Loi du 2 Mars) qu’a été instaurée la région comme nouvelle collectivité territoriale. La loi du 13 Mai 1991 reconnaît la Corse comme une collectivité territoriale particulière. On peut considérer la régionalisation française comme une extension au niveau régional de la décentralisation territoriale. A l’origine, la région n’était considérée que comme une circonscription fonctionnelle, chargée de l’administration économique et de la politique d’aménagement du territoire. Dès 1964 a été créée la fonction de Préfet de région, mais dont la fonction d’exécutif lui a été retirée par la loi du 2 Mai 1982, qui a supprimé également la tutelle de l’Etat. L’autonomie des régions se heurte à deux limites : l’autonomie des autres collectivités territoriales (départements et communes), et le respect de l’unité de la République et de l’intégrité territoriale. De plus, il n’est pas reconnu de communauté particulière au sein du peuple français. C’est ainsi qu’il n’y a pas « de peuple corse » sur le plan juridique, et la France n’a pas reconnu la Charte européenne des langues régionales et minoritaires.
Les institutions régionales et départementales ont été instituées par les lois de 1982 et 1986. Deux organes de gestion ont été définis : les institutions de la collectivité territoriale et le Préfet, représentant de l’Etat qui a autorité sur la plupart des services déconcentrés de l’Etat. La région est administrée par un Conseil régional, élu au suffrage universel direct dans le cadre du département à la représentation proportionnelle d’une durée de six ans. Pour le Corse, l’Assemblée est élue dans le cadre de la collectivité territoriale dans son ensemble comprenant deux départements. Dans les territoires d’Outre-mer, l’Assemblée est élue dans le cadre d’une circonscription unique comprenant un seul département. Les Conseils régionaux participent au collège électoral du Sénat. Le Président du Conseil régional doit présenter un programme lors de sa candidature, et il est élu par le Conseil régional. Pour des raisons d’efficacité, si le budget n’est pas adopté avant le 20 Mars de l’exercice, la loi permet qu’il soit adopté sans vote, sauf si un budget concurrent est adopté à la majorité absolue de ses membres. Il est institué une Commission permanente qui est un organe délibérant, auquel le Conseil peut déléguer une partie de ses attributions. Les vice-présidents siègent dans la Commission permanente. Le Président peut déléguer une partie de ses attributions à un Vice-président. Le mandat du Président est intangible sauf dissolution du Conseil régional par décret.
Le département est administré par un Conseil Général, dont le président n’est élu que pour une durée de trois ans. Les mandats de Président du Conseil régional et du Conseil général sont incompatibles. Les conseillers régionaux et généraux peuvent cumuler leurs fonctions. La Corse est dotée d’un Conseil exécutif, qui est une sorte de gouvernement régional. Le Conseil régional doit consulter le Conseil économique et social composé de représentants des employeurs, des salariés et des agricultures pour les matières se référant au budget, au contrat de Plan Etat-région, ainsi que tout autre matière économique et sociale. Le contrôle de légalité des collectivités territoriales (régions, départements, communes) se fait à posteriori. Cependant le Préfet de région peut déférer au tribunal administratif les actes qu’il estime illégaux. Les Chambres régionales des comptes sont chargées de contrôler les comptes, la gestion, et le budget. Un Conseil régional peut être dissous par décret motivé en Conseil des ministres. Le Préfet de région est chargé de la mise en œuvre des « politiques nationale et communautaire concernant le développement économique et social, ainsi que l’aménagement du territoire ». il a autorité sur les Préfets de département. Il anime et coordonne dans la région les politiques de l’Etat.
Au niveau des compétences, le Conseil régional règle les affaires de la région, exerce les pouvoirs qui lui sont attribués par la loi, participe aux pouvoirs de l’Etat dans certaines matières. Le Conseil régional peut intervenir en toutes matières concernant la région, à condition de ne pas empiéter sur les compétences de l’Etat, et celles attribuées à d’autres collectivités territoriales. Les compétences de Conseil régional sont exercées sous le contrôle du juge administratif. La région peut accorder des aides aux entreprises en difficultés sous certaines conditions. Les compétences légales de la région ont été définies par la loi de 1983. Elles concernent les compétences de planification : aménagement du territoire, formations, tourisme, loisirs. Elles concernent également les compétences de gestion : construction et entretien des lycées, formation professionnelle, transports régionaux, action culturelle, participation aux sociétés de développement régional ou de sociétés d’économie mixte. Le Conseil régional négocie avec l’Etat le plan Etat-Région qui a une durée de cinq à sept ans. Le Conseil régional participe au financement des équipements.
Au niveau des finances, les dépenses des régions ne représentent que 1/3 des dépenses des départements, et 1/6 des dépenses des communes. La région consacre en moyenne 58% de ses dépenses aux investissements, contre seulement 1/3 pour les départements et communes. Les dépenses d’investissements concernent principalement la formation, les transports et télécommunications, ainsi que l’action économique. La région n’investit pas toujours directement, puisque 55% des dépenses donnent lieu à des transferts au profit d’autres collectivités territoriales. La région bénéfice d’impôts directs locaux. La baisse de la taxe professionnelle a été compensée par l’augmentation des dotations de l’Etat. La région bénéfice également d’impôts indirects qui lui sont attribués par l’Etat, et de la liberté d’emprunter. L’intégration économique européenne a permis l’augmentation des fonds structurels de l’UE au profit des régions, et a renforcé le rôle du Préfet de région. La région participe cependant à la gestion de ces fonds structurels dans le cadre du partenariat.
L’administration territoriale de la France est basée actuellement sur 26 régions, 101 départements, 329 arrondissements, 3883 cantons et 36.783 communes. Les régions françaises sont caractérisées par leur grande diversité, géopolitique, démographique et économique. Sur le plan géographique, 22 régions se trouvent sur le sol métropolitain et 4 Outre-mer (Guadeloupe, Martinique, Guyane, Réunion). Sur le plan démographique, la région Ile-de-France dispose de 11,5 millions d’habitants, alors que le Limousin n’abrite que 700.000 habitants. Sur le plan économique, le PIB moyen est de 42.000 euros par habitant en Ile-de-France, contre 13.000 euros pour les territoires d’Outre-mer. Certaines régions disposent d’un statut particulier : la Corse, et la Nouvelle Calédonie qui dispose d’un congrès et d’un gouvernement avec une grande liberté législative. Pour compléter le tableau de l’administration territoriale française, il faut mentionner également les statuts d’intercommunauté, qui regroupent plusieurs communes sous forme de communautés urbaines, communautés d’agglomérations, et communautés de communes.
Evaluation du système français de régionalisation
Le système français de régionalisation est marqué par la Révolution française de 1789, qui a créé les départements par opposition aux anciennes provinces historiques. Les départements constituent toujours l’épine dorsale de l’architecture régionale française. La régionalisation française est un équilibre entre l’Etat unitaire et la nécessaire décentralisation régionale. A part les territoires d’Outre-mer, le système français de régionalisation n’accorde pas suffisamment de pouvoirs aux régions, qui n’ont aucune compétence en matière législative. En outre, c’est un système qui fait encore l’objet de beaucoup de débats. C’est ainsi que la Commission Attali mise en place par le Président Sarkozy a recommandé la suppression des départements. Vu ce qui précède, le Maroc pourrait s’inspirer de l’expérience territoriale centenaire de la France, mais le système français de régionalisation ne peut pas servir de modèle pour notre pays.
L’expérience marocaine de régionalisation
Bref historique :
Dès l’indépendance en 1956, le Maroc a entrepris la décentralisation et le renforcement de la gestion locale. C’est ainsi que le Dahir du 16 Juin 1971 a instauré sept régions. Mais ces régions avaient un caractère purement économique, et ne disposaient ni des pouvoirs ni des finances nécessaires pour promouvoir un véritable développement régional. Il a fallu attendre la promulgation de la Charte communale le 30 Septembre 1976 pour parvenir à une organisation des finances des collectivités locales, et l’institution des premières élections locales, renforçant par là le démocratie locale. La Constitution de 1992 a érigé le statut de la région en « collectivité locale », et l’a doté d’attributions en matière économique, sociale, culturelle et juridique. La Constitution de 1996 est venue renforcer la structure démocratique des régions, en instaurant l’élection des Conseils régionaux, qui ont été dotés de moyens propres, de prérogatives précises et de la possibilité de synergies avec les autres collectivités locales, mais sans qu’aucune collectivité locale n’exerce de tutelle sur une autre. La Loi du 2 Avril 1997 portant décentralisation de l’administration marocaine, a créé 16 régions économiques ayant chacune à sa tête un Wali (gouverneur de région), ainsi qu’un Conseil régional représentatif des « forces vives de la région ».
En 2002, les régions ont été définies comme les moteurs du développement économique, et des locomotives dans les projets d’aménagement, de désenclavement et d’investissements. Enfin la loi de finances de 2006 a pour la première fois attribuée un budget propre réservé aux régions.
Loi 47 - 96 relative à l’organisation de la région :
Cependant c’est la Loi 47-96 qui a véritablement fixé les bases de l’organisation de la région, et qui est toujours en vigueur à l’heure actuelle. Cette loi reconnaît tout d’abord à la région le statut de collectivité locale dotée de la personnalité morale et de l’autonomie financière. Les missions de la région ont été définies comme suit : développement économique social et culturel, en collaboration avec l’Etat et les autres collectivités locales. Il est précisé que la création et l’organisation des régions ne peuvent en aucun cas porter atteinte à l’unité de la Nation et à l’intégrité territoriale du pays. Les affaires de la région sont librement gérées par un Conseil démocratiquement élu pour une durée de six ans, qui ne peut délibérer sur des affaires à caractère politique ou étrangère aux questions d’intérêt régional. Le Conseil régional est composé de représentants élus des collectivités locales, des Chambres professionnelles et des salariés. Il comprend également les membres du Parlement élus de la région, ainsi que les Présidents des Assemblés préfectorales et provinciales sises dans la région, qui assistent à ses réunions avec voix consultative. Les limites territoriales et le Chef-lieu des régions sont fixés par décret, avec comme finalité la constitution d’un ensemble homogène intégré.
Le Conseil régional véritable organe de gestion de la région dispose de nombreuses attributions. Il examine et vote le budget de la région, ainsi que les comptes administratifs. Il élabore le plan de développement économique et social de la région, et le transmet au Conseil supérieur de la Promotion nationale et du Plan pour approbation. Il élabore le schéma régional d’aménagement du territoire et le transmet au Comité interministériel d’aménagement du territoire pour approbation. Il fixe les taxes, redevances et droits divers perçus au profit de la région. Il encourage la promotion des investissements privés dans la région, notamment par l’implantation de zones d’activités économiques, et décide de la participation de la région aux entreprises d’économie mixte. Il adopte toutes mesures en faveur de la formation professionnelle, de l’emploi, du sport, de l’environnement, des ressources hydrauliques. Il engage toutes actions nécessaires à la promotion des activités socio-culturelles, de la solidarité sociale, ainsi que toute mesure à caractère caritatif. De même qu’il veille à la préservation des spécificités architecturales régionales. Il exerce les compétences qui pourront lui être transférées par l’Etat : réalisations et entretien d’hôpitaux, de lycées, d’établissements universitaires, octroi de bourses d’études. Il peut être chargé également de la formation des agents et cadres des collectivités locales, ainsi que des équipements d’intérêt régional. A chaque fois que l’Etat transfère une compétence à une région, il doit lui transférer également les ressources humaines et financières nécessaires à l’accomplissement de l’action. Le Conseil régional peut enfin faire des propositions, émettre des avis et des suggestions pour le développement de la région, la création et le mode de gestion des services publics régionaux, le choix des investissements, l’aménagement du territoire et l’urbanisation, l’implantation des établissements universitaires et des hôpitaux. Les propositions, avis, et suggestions sont transmis par le gouverneur du Chef-lieu de région aux autorités gouvernementales compétentes.
L’organisation et le fonctionnement du Conseil régional se basent sur l’élection parmi ses membres d’un président et de plusieurs vice-présidents qui forment le bureau dudit conseil. Les membres du bureau sont élus pour un mandat de trois ans renouvelables. Les fonctions de président du Conseil régional sont incompatibles avec celles de président d’Assemblées préfectorales ou provinciales ou de président de communauté urbaine. Le nombre de vice-présidents varie de cinq à neuf selon la population de la région. Le président peut être démis de ses fonctions par une majorité des 2/3 au moins des membres en exercice du Conseil régional. Le Président et les vice-présidents peuvent être suspendus ou révoquées par arrêté motivé du ministre de l’intérieur, publié au Bulletin officiel. De même que le Conseil régional peut être dissous par arrêté motivé du ministre de l’intérieur publié au Bulletin officiel. Le Conseil régional se réunit obligatoirement trois fois par an sur convocation de son président, et peut se réunir en session extraordinaire si les circonstances l’exigent. Le gouverneur du Chef-lieu de région assiste aux séances du Conseil régional, mais ne prend pas part en vote. Les règles du Quorum pour les délibérations du Conseil régional sont de 50% par la première convocation, 1/3 puis la seconde et la troisième convocation, puis dissolution du Conseil si le Quorum n’est pas atteint après la troisième convocation.
Pour son fonctionnement, le Conseil régional élit un secrétaire et un rapporteur du budget ainsi que leur adjoint. Il doit constituer obligatoirement sept commissions : finances et budget, planification et aménagement du territoire, économie sociale et emploi, agriculture et développement rural, santé et hygiène, urbanisme et environnement, culture enseignement et formation professionnelle. Il n’y a pas de rémunération pour les fonctions de président, vice-président, rapporteur et secrétaire, cependant ils peuvent recevoir une indemnité de fonction, des frais de représentation ou de déplacement, dont le montant est fixé par décret. Le président en accord avec les autres membres du bureau élabore un règlement intérieur qui doit être voté par le Conseil régional et approuvé par l’autorité de tutelle.
Les délibérations du Conseil régional ne sont exécutives qu’après avoir été approuvées par l’autorité de tutelle, à savoir le gouverneur du Chef-lieu de la région. Les matières sous tutelle sont : le budget général, les emprunts et garanties, les comptes spéciaux, les crédits, les virements d’article à article, l’acceptation ou le refus de legs, l’assiette des tarifs et règles de perception des taxes, redevances et droits, les concessions et gérances, la participation à des sociétés mixtes, l’acquisition, l’aliénation, les transactions ou échanges d’immeubles du domaine privé, les actes de gestion du domaine public. L’approbation du ministre de l’intérieur par l’intermédiaire du gouverneur du Chef-lieu de région doit être donnée dans un délai de 30 jours à compter de la date de réception de la délibération. Si le ministre de l’intérieur n’approuve pas une délibération votée par le Conseil régional, il peut demander un nouvel examen de cette délibération par le Conseil. En cas de refus définitif du ministre de l’intérieur, le Conseil régional peut saisir le tribunal administratif. Pour les matières qui ne sont pas sous tutelle exclusive de l’autorité administrative, les délibérations du conseil sont transmises dans les quinze jours au gouverneur du chef-lieu de région et exécutées dans les vingt jours, s’il n’y pas d’opposition du gouverneur. En cas d’opposition du gouverneur, le Conseil régional doit procéder à nouvel examen de la délibération. En cas de maintien de la position du Conseil régional, le gouverneur du Chef-lieu de région peut saisir le tribunal administratif. La saisine du tribunal administratif par l’autorité de tutelle emporte de plein droit suspension de l’exécution de la délibération. Sont nulles de plein de droit les délibérations étrangères aux attributions du Conseil régional, celles qui sont en violation de la législation et de la réglementation en vigueur, enfin toutes délibérations dans lesquelles un membre du Conseil régional est intéressé à titre personnel ou en tant que mandataire.
Le président du Conseil régional dispose de compétences nombreuses et variées, il préside et représente le Conseil régional. Il peut faire appel aux services de l’Etat pour des compétences nécessaires à un projet. Il peut disposer d’attachés de mission et de chargés d’études détachés de l’administration ou recrutés par lui. Sous l’autorité du président, le secrétaire général de la région coordonne l’activité des attachés de missions et des chargés d’études. Le président nomme le secrétaire général et les membres de son staff, mais leur nomination doit être visée par le gouverneur du Chef-lieu de région. Enfin le président peut déléguer certains de ses pouvoirs, et être remplacé en cas d’empêchement.
Le gouverneur du chef-lieu de région dispose également de pouvoirs importants. Il exécute les délibérations du Conseil régional. Cependant, les décisions d’exécution doivent être revêtues du contreseing du président du Conseil régional. A défaut de contreseing, le gouverneur peut passer outre sous certaines conditions. Il informe le président et le Conseil régional de l’avancement des travaux. Les décisions du gouverneur sont prises sous forme d’arrêtés qui sont publiés au bulletin officiel de collectivités locales. Le gouverneur du Chef-lieu de la région représente la région en justice.
Les ressources financières de la région proviennent des produits des impôts, taxes et redevances institués à son profit par la loi n° 30-89 relative à la fiscalité des collectivités locales. La région bénéfice aussi des parts d’impôts affectés par la loi de finances sur l’impôt sur les sociétés, l’impôt sur le revenu, et la taxe sur les véhicules à moteur. S’ajoutent à ces ressources les subventions accordées par l’Etat, les fonds de concours, les rémunérations pour services rendus, les ressources du patrimoine et des participations, le produit des emprunts autorisés, enfin les dons et legs autorisés. En outre existe un Fonds de péréquation et de développement régional, alimenté par les subventions de l’Etat et des régions disposant de ressources importantes. A noter que le projet de budget est préparé par le gouverneur du Chef-lieu de région, présenté au vote à l’Assemblée régionale, et approuvé par le ministre de l’intérieur.
Projet d’autonome du Sahara
Afin de compléter la question de régionalisation au Maroc, il y a lieu de présenter le projet d’autonomie du Sahara proposé par le Maroc à l’ONU en Avril 2007 dans le but de régler définitivement le problème du Sahara. Ce projet propose un statut d’autonomie de la région du Sahara dans le cadre de la souveraineté marocaine. Il se base sur la non-discrimination entre les sahraouis, et accorde de larges compétences à la région autonome du Sahara. Les compétences sont d’ordre administratif (administration locale, police locale, juridiction de la région) économique (planification, investissements, tous les secteurs économiques y compris les infrastructures) social (habitat, éducation, santé, emploi, sports, sécurité et protection sociale) culturel et environnemental. La région sera dotée de ressources financières comprenant les impôts, taxes et contributions édictés par la région, la part des revenus provenant de l’exploitation des ressources naturelles, les subventions de solidarité nationale, enfin les revenus du patrimoine de la région. L’Etat conserve la compétence exclusive concernant les attributs de souveraineté (drapeau, hymne national et monnaie) les attributs et compétences religieuses et constitutionnelles du Roi, la sécurité nationale, la défense extérieure, l’intégrité territoriale, les relations extérieures et l’ordre juridictionnel du Royaume.
Sur le plan institutionnel, les compétences de l’Etat dans la région autonome du Sahara seront exercées par un Délégué du gouvernement. Les habitants du Sahara participent à toutes les élections nationales et seront représentés au Parlement national et aux autres institutions nationales. La région disposera d’un Parlement composé de membres élus par les différentes tribus, et de membres élus au suffrage universel. Le pouvoir exécutif de la région sera exercé par un Chef de gouvernement élu par le Parlement régional, investi par le Roi, et représentera l’Etat dans la région. Sur le plan judiciaire, la région sera dotée de juridictions et d’un Tribunal régional supérieur, qui statue en dernier ressort sur l’interprétation de la Loi de la région, sans préjudice des compétences de la Cour Suprême et du Conseil constitutionnel du Royaume. Le région sera également dotée d’un Conseil économique et social composé de représentants de secteurs économiques, sociaux, professionnels et associatifs, ainsi que de personnalités hautement qualifiées.
Les dernières dispositions du projet d’autonomie stipulent que le statut d’autonomie de la région fera l’objet de négociations, et sera soumis au référendum des populations concernées. A cette fin, la Constitution marocaine sera révisée et le statut d’autonomie y sera incorporé. Enfin, la Royaume adoptera une amnistie générale et prendra toutes les mesures nécessaires afin d’assurer aux personnes rapatriées une réinsertion complète au sein de la collectivité nationale.
Conclusion générale
L’étude des expériences étrangères est toujours utile, mais comme l’a annoncé le Souverain dans son Discours du 6 Novembre 2008, il s’agit d’établir un projet de régionalisation avancée qui doit tenir compte impérativement des spécificités de notre pays. Il apparaît d’après l’étude entreprise par le Groupe de Travail de l’IMRI, que c’est l’expérience espagnole qui semble la plus proche des préoccupations de notre pays.
Le Maroc a accompli depuis l’indépendance de réels progrès dans le processus de régionalisation. Force cependant de constater que les résultats sont insuffisants. Trois raisons majeures peuvent expliquer cette situation. Il s’agit tout d’abord au niveau des compétences, de la tutelle trop lourde du gouverneur Chef-lieu de région sur le Conseil régional. C’est le gouverneur qui est chargé en effet de l’exécution des délibérations du Conseil Régional, et en fait aucune décision ne peut être prise concernant la région sans son approbation. La deuxième raison est la faiblesse des ressources financières octroyées à la Région, qui ne lui permettent pas d’avoir une réelle autonomie par rapport au pouvoir central. Enfin le capital humain régional reste médiocre : les dirigeants élus n’ont pas souvent la compétence acquise et le personnel administratif est insuffisant et manque de qualification. Il appartient à la Commission Consultative de la Régionalisation d’apporter des propositions pertinentes pour remédier à ces insuffisances. La Commission devra également réviser le découpage du pays afin de créer des régions homogènes et économiquement viables.
Quant au projet d’autonomie proposé pour le Sahara, il accorde de très larges compétences à la région tant au niveau institutionnel qu’au niveau des compétences. Il semble difficile d’accorder plus que ce qui est proposé. Ce statut exceptionnel s’explique pour des raisons géographiques et historiques. Il ne pourrait être accordé aux autres régions du Royaume, en tout cas à court et moyen terme, sans faire courir un risque à la cohésion nationale. Il faut espérer aussi que le projet d’autonomie proposé pour le Sahara, puisse déclencher une nouvelle dynamique permettant de concrétiser l’intégration maghrébine dans le cadre de l’UMA, afin d’aboutir ultérieurement au « Maghreb des Régions ».
CHRONIQUES HEBDOMADAIRES DE l'IMRI