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Sommet sur le financement des économies africaines

Par Jawad KERDOUDI
Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)


Le 18 Mai 2021 s’est tenu à Paris le Sommet sur le financement des économies africaines. Organisé par la France, ce Sommet a regroupé une trentaine de Chefs d’Etat et de gouvernement et les représentants de plusieurs organisations internationales.

L’Afrique comme les autres continents a été touchée par la pandémie du Covid-19 née à Wuhan en Chine en Décembre 2019. Heureusement, elle n’a subi à ce jour que 130.000 décès dûs à la pandémie, alors que les Etats-Unis ont déploré 584.000 morts. Cependant, elle est très en retard dans la vaccination contre le Covid-19, puisque seuls 1,3% de sa population ont été vaccinés à ce jour. Il y a donc un risque de contamination des Africains pour cette année 2021 et les années à venir. De plus, pour mettre fin à la pandémie définitivement et atteindre l’immunité globale, il est nécessaire d’accélérer la vaccination en Afrique. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) en collaboration avec d’autres organismes a mis en œuvre un mécanisme le COVAX pour fournir gratuitement ou à un prix minoré le vaccin aux pays les plus pauvres de la planète. Les livraisons du COVAX ont été minorées par la situation sanitaire catastrophique en Inde, qui s’était engagé à fournir une partie du programme COVAX. Aussi, le Président Macron a exhorté les pays développés à fournir le maximum de doses du vaccin aux pays africains avec l’objectif de vacciner 40% de la population africaine d’ici la fin de l’année 2021. Il s’est montré favorable à la proposition du Président américain Joe Biden de lever les brevets pour la fabrication du vaccin, afin de permettre aux pays en voie de développement de le fabriquer localement.

Si sur le plan sanitaire, les dégâts ont été relativement limités, sur le plan économique les conséquences de la pandémie du Covid-19 ont été lourdes. L’Afrique est principalement exportatrice de matières premières dont le marché s’est rétréci considérablement pendant la pandémie. En effet, alors que le continent avait bénéficié d’une croissance continue pendant 25 ans, il a connu une récession de 2,1% en 2020, et les prévisions pour 2021 tablent sur une croissance de seulement 3,2% contre 6% pour le reste du monde. Cette situation a entraîné 30 millions d’Africains à passer sous le seuil de pauvreté pendant l’année 2020. Les besoins financiers de l’Afrique sont estimés à 285 milliards de dollars pour la période 2021-2025. Or l’Afrique est déjà endettée pour un montant de 1.400 milliards de dollars, soit 60% du PIB. Certes ce pourcentage n’est par très élevé (la dette de la zone euro est de 87% du PIB), mais c’est la charge de la dette, c'est-à-dire le remboursement des intérêts qui est difficilement soutenable, car la prime de risque pour les Etats africains est élevée. De plus, les créanciers des pays africains ne sont pas tous des Etats ou des Organisations internationales, puisque le secteur privé a commencé à accorder des prêts aux pays africains à partir des années 2000. En 2019 la part des créanciers privés a atteint 20%, et la Chine détient 25% de la dette des pays africains. Il s’en suit que la restructuration de la dette des pays africains est devenue plus complexe. A noter cependant la décision du G20 en Octobre 2020 de prolonger jusqu’au 30 Juin 2021 le moratoire sur la dette des pays pauvres. On peut saluer également le geste du Président Macron d’annuler la dette du Soudan vis-à-vis de la France d’un montant de 5 milliards de dollars.

Afin de couvrir les besoins financiers immédiats des pays africains, le FMI a été autorisé à tirer 650 milliards de dollars de droits de tirage spéciaux (DTS) avec une part de 33 milliards de dollars pour l’Afrique. Les DTS sont un instrument monétaire international du FMI pour compléter les réserves officielles existantes des pays membres. En cas de besoin et en fonction de leur quote-part, les pays membres peuvent recevoir des lignes de crédit en devises étrangères notamment pour financer leurs importations. Le Président Macron a proposé d’augmenter les DTS aux pays africains de 33 à 100 milliards de $, en demandant aux pays développés d’allouer leurs DTS aux pays africains. Le Sommet de Paris a également exhorté les banques multilatérales de développement ainsi que les Agences de financements spécialisés, de consentir le maximum de crédits aux pays africains pour qu’ils puissent mettre en œuvre des plans vigoureux de relance économique. Les prêts accordés aux pays africains seront conditionnés par une amélioration de la gouvernance, en donnant la priorité aux investissements dans l’économie verte, la santé, la protection sociale, l’éducation, et les infrastructures. Le Sommet de Paris, notamment l’Allemagne et la France, s’est engagé à soutenir financement et à accompagner techniquement l’Alliance pour l’entreprenariat en Afrique pour le développement du secteur privé, en particulier les femmes entrepreneurs. Sur un plan plus global, le Sommet a insisté sur l’accélération de la mise en œuvre de la ZLECA (Zone de libre-échange du continent africain), le développement de l’industrialisation et du numérique, la promotion des exportations des produits avec une valeur ajoutée africaine.

En conclusion, on ne peut que rendre hommage au Président Macron qui a organisé ce Sommet, qui a donné un avis favorable à la levée des brevets sur les vaccins anti-Covid, qui a proposé de porter à 100 milliards de dollars les DTS destinés aux pays africains, et qui a annulé la dette du Soudan vis-à-vis de la France. Cependant, la seule décision concrète de ce Sommet est l’affectation des DTS du FMI aux pays africains. Il est absolument nécessaire de trouver une solution aux superendettement de l’Afrique, en suspendant le service de la dette par les pays africains jusqu’à la fin de la pandémie, et en annulant la dette des pays africains les plus pauvres. L’Afrique a besoin d’un « New deal » pour la sortir de cette terrible pandémie, et pour lui permettre la mise en œuvre du programme de développement durable à l’horizon 2030. Notre pays le Maroc, qui a initié depuis une décennie une politique active vis-à-vis de l’Afrique, peut jouer un rôle constructif pour le développement durable du continent africain.

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